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28/10/2012

Les dimanches poétiques (84)

"Je cherchais de nouveau une oeuvre absolue, unique, je rêvais d'un livre qui pourrait par sa beauté refaire le monde. Et j'entendais la voix de ma grand-mère me répondre, compréhensive et souriante, comme autrefois, à Saranza, sur son balcon:

- Tu te rappelles encore ces étroits appartements en Russie qui croulaient sous les livres? Oui, des livres sous le lit, dans la cuisine, dans l'entrée, empilés jusqu'au plafond. Et des livres introuvables qu'on vous prêtait pour une nuit et qu'il fallait rendre à six heures du matin précises. Et d'autres encore, recopiés à la machine, six feuilles de papier carbone à la fois; on vous en transmettait le sixième exemplaire, presque illisible et appelé "aveugle"... Tu vois, il est difficile de comparer. En Russie, l'écrivain était un dieu. On attendait de lui et le Jugement dernier et le royaume des cieux à la fois. As-tu jamais entendu parler là-bas du prix d'un livre? Non, parce que le livre n'avait pas de prix! On pouvait ne pas acheter une paire de chaussures et se geler les pieds en hiver, mais on achetait un livre..."

Andreï MAKINE Le testament français

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