12/04/2013
Tramway n°12
Les neige collée aux chaussures des passagers se détachait par petits paquets et s'étalait dans toutes les rames. Des flaques un peu partout. On pataugeait dans le tramway les matins d'hiver. Tobias était résigné. Il savait qu'il n'y avait rien à faire sinon attendre patiemment le printemps et sa débauche de couleurs. La blancheur laisserait place au vert et aux couleurs chaudes de la végétation. Avec le temps la neige et le gel disparaîtraient.
Chaque jour Tobias prenait le tramway n°12 en direction de Moillesulaz et chaque jour il comptait les arrêts. Il le prenait Place de Neuve et descendait à Grange-Canal. Huit arrêts en tout pour rejoindre l'Ecole internationale située route de Chêne en une trentaine de minutes. Genève avait un réseau de transports en commun très développé et la voiture n'était pas nécessaire quand on y habitait. D'ailleurs Tobias n'en avait pas. Il préférait de loin les trams et les bus, voire la marche à pied.
Face à lui ce matin-là, une jeune fille qu'il avait déjà croisée dans l'enceinte de l'école. Elle devait vraisemblablement être scolarisée en primaire. Elle avait un air angélique de jeune demoiselle bien élevée. Mais, il le savait, les élèves bien élevés pouvaient parfois se transformer en diablotins pour tester leurs professeurs. La naïveté et la pureté de l'enfance n'étaient plus ce qu'elles étaient. Les enfants ne croyaient plus en rien. Ils étaient par ailleurs beaucoup moins craintifs aujourd'hui qu'à l'époque où lui-même était élève. Les mensonges, même les plus gros, ne leur faisaient pas peur.
La jeune fille s'était mise à fredonner une chanson de Bastian Baker. Tobias l'avait reconnue tout de suite. Le chanteur était le chouchou de ces dames. Vingt-deux ans et déjà adulé. Tobias pensa que la célébrité facilitait bien la vie, lui qui se sentait noyé dans la masse, homme au physique commun, réservé et auquel on accordait peu d'importance. Il ne voulait accuser personne mais la vie était injuste se disait-il. Il n'avait rien de méchant, rien d'antipathique mais visiblement on ne l'aimait pas. Il avait l'impression que ses collègues féminines le fuyaient et que les femmes détournaient les yeux dans la rue. Sa mère avait tenté de l'apaiser, de lui dire qu'il valait bien les autres hommes, mais ses doutes sur son pouvoir de séduction ne l'avaient pas lâché. Ils s'étaient même multipliés.
Il était perdu dans ses pensées quand la jeune fille se leva, lui rappelant qu'il devait descendre. Il passa par le fastueux bâtiment de la Grande Boissière avant d'aller faire cours. Même les secrétaires ne faisaient pas attention à lui. Peu étaient ceux qui lui adressaient la parole. Sa solitude n'était plus uniquement physique, elle devenait psychique.
Ce texte a été rédigé pour les Plumes à thème n°6 initiées par Asphodèle. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.
16:00 Publié dans Textes originaux | Lien permanent | Commentaires (34) | Tags : textes originaux, écriture, littérature, genève, suisse, actu, actualité | Facebook |
Commentaires
Un très bon texte !!! Je ne savais pas qu'il y avait le tram à Genève. Tu parles très bien du manque de confiance en soi et des tourments quand le physique devient une barrière...
Écrit par : Asphodèle | 12/04/2013
Oui, oui il y a le tram à Genève. Le manque de confiance en soi peut pourrir la vie...
Écrit par : La Plume et la Page | 17/04/2013
Un trajet pas très gai mais qui sonne très vrai, on a l'impression d'y être, dans ce tramway (et dans les pensées de Tobias).
Écrit par : Brize | 13/04/2013
J'ai depuis longtemps l'idée d'exploiter le thème de la solitude et je voulais que l'histoire se déroule à Genève. Je savais que mon personnage principal serait enseignant, après il faut construire la trame...
Écrit par : La Plume et la Page | 17/04/2013
si si, je te rassure, les enfants croient encore à plein de choses... pas toujours à celles qu'il faudrait, malheureusement, vu que leur principale source d'information passe par les "sites sociaux", comme on les appelle...
belle tranche de vie!
Écrit par : Adrienne | 13/04/2013
Oui, les enfants croient encore à des choses, et heureusement! Mais ils sont bien plus dévergondés qu'il y a soixante ou cinquante ans. Puis il n'y a plus la crainte de l'enseignant comme avant.
Écrit par : La Plume et la Page | 17/04/2013
Hello........... j'ose croire que certains enfants croient encore a de belles choses.........
Écrit par : Ghislaine | 13/04/2013
Oui, il faut y croire.
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
Le manque de confiance en soi est terrible et joue des tours incroyables. Texte bine mené, j'étais assis dans le tram et me laissais transporter.
Écrit par : Jean-charles | 13/04/2013
Il faut essayer d'avoir confiance en soi. On se fait généralement tout une montagne des choses à accomplir et puis finalement, quand on s'y frotte, on se rend compte que ce n'est pas plus difficile qu'autre chose.
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
Pas très gai, tout ça, hein ?
Écrit par : Pierrot Bâton | 14/04/2013
Ca tranche avec ton texte qui était pour le moins divertissant.
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
la solitude de ton personnage est très bien décrite ;-)
J'aime beaucoup la débauche de couleurs ;-)
Écrit par : valentyne | 14/04/2013
Tobias est avec les gens dans le tram mais seul avec lui-même...
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
Quelle souffrance pour ce pauvre Tobias si seul. J'espère qu'il trouvera quelqu'un pour lui redonner confiance et être heureux...
Bon dimanche :D
Écrit par : laure | 14/04/2013
Va-t-il rencontrer quelqu'un de sympa qui pourra lui redonner confiance? Je ne sais pas...
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
Pauvre Tobias! Il faut qu'il se "diablotinise", lui aussi... ;-)
Écrit par : Gwenaëlle | 14/04/2013
Ce n'est pas dans son tempérament... Il faudrait juste qu'il rencontre, peut-être, une personne avec laquelle il s'entendrait bien et avec laquelle partager des choses.
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
Un bon début d'histoire. J'ai envie d'en savoir plus sur Tobias et sur sa vie si ordinaire en apparence. Qui sait ce qui se cache derrière ce personnage. Y aura-t-il une suite ?
Écrit par : MCL | 14/04/2013
Il y aura vraisemblablement une suite mais pas cette semaine (car les consignes d'Asphodèle sont trop contraignantes) et pas la semaine prochaine non plus... Dans une quinzaine de jours je pense.
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
Superbe description.. Il y aura une suite ? il me plaît bien ton Tobias...
Écrit par : Solange | 14/04/2013
Oui, il y aura une suite mais pas tout de suite.
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
récit captivant mais pas très bon cette solitude qui devient psychique
y aura-t-il une suite?
je suis curieuse mais ça me fait penser à un livre que j'ai lu y a pas très longtemps (un employée modèle) ...
Écrit par : patchcath | 14/04/2013
Je ne connais pas ce livre. Une suite est prévue.
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
Quelle solitude que celle de Tobias !
PS : qui est Bastien Baker ?
Écrit par : Nunzi | 14/04/2013
Bastian Baker est un jeune chanteur à la voix splendide!
Écrit par : La Plume et la Page | 18/04/2013
Il va sûrement se passer quelque chose entre Tobias et cette jeune fille...
Écrit par : Oncle Dan | 14/04/2013
La jeune fille est trop jeune pour Tobias... Elle a au maximum 15 ans et lui a une quarantaine d'années.
Écrit par : La Plume et la Page | 19/04/2013
Hâte de découvrir la suite des aventures de Tobias ! En espérant qu'il y ait une suite !!
Écrit par : Anne Souris | 14/04/2013
Une suite est prévue mais pas tout de suite...
Écrit par : La Plume et la Page | 19/04/2013
Une petite ballade de solitude en ce printemps qui tarde à se montrer. :D J'adore ! :D
Écrit par : ceriat | 15/04/2013
Le printemps a du mal à s'installer. L'hiver vient lui chatouiler les pieds.
Écrit par : La Plume et la Page | 19/04/2013
Les transports en commun nous mènent bien loin dans nos réflexions, parfois. Pour ne pas penser, je lis !
Belle balade entre réalité et fiction.
Écrit par : Soène | 18/04/2013
J'aime lire dans les transports en commun mais il y a généralement trop de bruit autour et c'est difficile de se concentrer.
Écrit par : La Plume et la Page | 19/04/2013
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