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29/07/2024

Les poissons viendront se restaurer

Il me reste encore assez d'oxygène dans les poumons pour distinguer une étoile de mer et un pied de corail lorsque ma tête touche le fond. Je me suis débattue mais personne ne m'a vue. J'ai bu plusieurs fois la tasse et mon corps a été aspiré par la profondeur. Je ne savais pas que les fonds marins pouvaient être aussi beaux. Cette dernière vision c'est ma cigarette de condamnée. Je me suis toujours imaginé que c'était sombre là-dessous et peuplé de créatures plus monstrueuses les unes que les autres.

Il fait froid. Beaucoup plus froid qu'à la surface de la mer. Mes membres s'engourdissent. Mes poumons se remplissent peu à peu d'eau. Le corail est rose poudré. Sa couleur n'a rien à envier aux chamallows que tante Jane a achetés. Mes téguments seront bientôt bleus. Je suis en hypoxie. Dans quelques secondes mon cerveau sera hors service. L'étoile de mer me prendra pour une pierre et les poissons viendront se restaurer.

Ni Peter ni David ne m'a vu trébucher. Ils nageaient plus loin. Je vois le médecin légiste devant mon cadavre, l'air blasé. Son autopsie révélera une cyanose, le développement de spume sur les voies respiratoires, une langue protuse, des yeux exorbités, et une peau ansérine. Il conclura à une mort par noyade.

Un bruit strident arrive à mes oreilles. J'aspire une grande bouffée d'air et j'ouvre les yeux. Je cherche la provenance du bruit. Je me tourne vers lui et vois un signal lumineux. Le réveil vient de me ramener à la vie...

Textes précédents: N°1, N°2

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°270 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits. La photo n'est pas libre de droits non plus.

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24/12/2023

Cher Tiberio

A l’approche des fêtes Marcella n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle n’arrivait pas à se concentrer, elle était exténuée, toujours assaillie par le même flot de pensées concernant Tiberio. Son état s’apparentait à un réel effondrement. Elle était par ailleurs d’une humeur massacrante et en faisait baver à tout le monde que ce soit à la maison ou au boulot. Elle avait des accès de colère contre Flavio. Le gamin, qui ne l’avait jamais connue dans cet état, ne comprenait pas. A force, et par lassitude, il ne disait plus rien et se repliait dans son coin. 

Marcella suffoquait souvent. Les larmes perlaient à ses yeux constamment. Son sommeil était haché et elle n’avait pratiquement plus d’appétit. Elle était triste, rien ne lui faisait plaisir. Si elle avait consulté un psychiatre, il lui aurait sans doute diagnostiqué une dépression réactionnelle. Réactionnelle à un choc émotionnel. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi Tiberio avait choisi de disparaître comme ça. Peut-être espérait-il qu’elle s’en tiendrait à cette version-là? Alors pourquoi s’être montré à Venise? Voulait-il la faire souffrir, la maintenir dans une dépendance affective comme aurait fait un pervers narcissique? Ou bien était-il jaloux qu’elle puisse refaire sa vie? 

Marcella se disait que pendant les années qu’ils avaient passées ensemble il entretenait peut-être une relation avec une autre femme et avait eu d’autres enfants. S’il s’était fait passer pour mort afin de retrouver cette femme, elle constatait amèrement que leur couple n’était en fait bâtit que sur un lit de mensonges. Quelle lâcheté de sa part… Elle aurait aimé qu’il ait le courage de lui dire, les yeux dans les yeux, qu’il avait failli et que s’il n’avait plus de sentiments pour elle qu’il soit honnête et ose lui avouer. Elle aurait écouté même si elle aurait mis du temps à encaisser. Elle lui faisait confiance… Il l’avait trahie. Elle l’aimait sincèrement… Il s’était joué d’elle. 

La veille du réveillon de Noël Marcella se dit qu’elle ne pouvait pas continuer ainsi. Soit elle se laissait aspirer par le fond et en finissait avec la vie, soit elle décidait de se délester de ce poids et choisissait de rebondir. Elle devait s’occuper de Flavio. Lui n’y était pour rien dans cette histoire et n’avait pas à payer pour ce que son père avait fait. 

Pour donner corps à sa décision et avoir l’esprit en paix, Marcella décida de poster sur son blog une petite carte de voeux à l’intention de Tiberio, une bouteille à la mer qu’il lirait peut-être.

Cher Tiberio

Nous ne sommes pas sans manifestations d’énergie sur notre bonne Terre, ni d’espérance en ce temps de Noël. 

Tout à l’effervescence de Noël avec Flavio, je te souhaite une année pleine d’énergie et de promesses.

Que 2024 voie l’accomplissement de tes désirs, rêves et espérances et qu’elle t’apporte joie, bonheur, santé.

Affectueusement

Marcella

Voyage à Venise : votre séjour avec le spécialiste OOVATU.

24/09/2023

Les dimanches poétiques (320)

Nous ne pouvons résoudre les problèmes difficiles que nous rencontrons en demeurant au niveau de réflexion où nous nous trouvions lorsque nous les avons créés. 

Albert EINSTEIN

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20/08/2023

Elle n'avait pas renoncé

Marcella n'avait pas renoncé à l'idée de retrouver Tiberio. Et elle s'était décidée à retourner à Venise pendant les mois d'été. Flavio était parti quelques jours avec ses grands-parents et elle en avait profité. Elle avait glissé quelques affaires dans un sac et avait roulé presque sans s'arrêter jusqu'à la cité des Doges.

Arrivée sur place elle avait pensé interroger les gens du quartier mais ne voulait pas éveiller les soupçons. Elle s'était donc résolue à glisser un mot dans chaque boîte aux lettres du Rio dei Bareteri, en espérant que peut-être Tiberio le lirait. Le temps était orageux. Elle craignait que l'encre des enveloppes prennent la pluie mais elle n'avait pas renoncé à son projet. Elle s'y était rendue en fin de matinée et une à une, elle avait glissé les enveloppes dans chaque boîte à lettres qui se présentait. Arrivée au n°6, qui comportait trois boîtes différentes, elle s'aperçut que les boîtes des étages 1 et 2 avaient été condamnées. Quelqu'un les avait fermées avec du scotch de réparation de couleur grise. Elle en déduisit qu'il n'y avait que le rez-de-chaussée qui était occupé. Etait-ce le propriétaire de l'immeuble qui y vivait? Ou bien un locataire? Elle aurait donné cher pour pouvoir entrer car aucun nom n'était indiqué. Mais il n'y avait pas de sonnette pour s'annoncer. Elle n'allait quand même pas revenir à la nuit tombée pour essayer de crocheter la serrure. Et puis c'était risqué. Un bateau des carabinieri était posté  tout près. Elle se ferait vite repérer. 

Elle était rentrée à Rome le jour même et se sentait apaisée. Ne restait plus qu'à attendre un signe de Tiberio. Mais voudrait-il se manifester?

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22/03/2023

Indécent

Il est minuit. Cette journée m'a épuisée. Je n'ai eu que des soucis à la rédaction. Le petit mot que vous avez glissé dans ma boîte aux lettres fut donc un réel réconfort. Il m'a réchauffé le coeur.

A l'heure qu'il est, peu probable que cet e-mail vous trouve éveillé... Vous le lirez demain matin avec autant de plaisir, je l'espère, que j'ai eu à lire votre doux billet. Aussi doux que la chaleur de vos bras autour de mes épaules.

Aurez-vous une heure ou deux samedi matin pour une balade? J'ai aimé, pour ne pas dire adoré, celle de la semaine dernière en votre compagnie. Flâner dans les allées de Kensington Gardens à votre bras fut un moment délicieux. Peut-être pourrions-nous prolonger cette promenade par un déjeuner en terrasse... Le soleil est là pour quelque temps. Et s'il nous faisait faux bond, je sais que j'en trouverai très certainement un peu dans vos yeux.

A très vite, mon cher Peter. Je vous embrasse de la façon indécente qui, je m'en souviens, vous plaît.  

Victoria

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture de Skriban. Le début et la fin (en mauve) étaient imposés. Ce texte n'est pas libre de droits. La photo non plus.

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15/03/2023

All you need is... love!

6 janvier

Je ne quitte plus le pull en cachemire que Victoria m'a offert à Noël. Elle l'avait déposé sous le sapin juste à côté de la crèche avec ses santons rapportés de Provence. Elle avait un regard lumineux de petite fille lorsque j'ai ouvert mon cadeau; elle guettait chacune de mes réactions. On a pris un peu d'avance sur le calendrier pour célébrer Noël car elle avait prévu de rentrer en France pour passer les fêtes en famille. Elle partait en Eurostar le 23 décembre alors le 21 je lui ai concocté un petit dîner romantique dans un restaurant de Knightsbridge. Après le repas nous avons marché au hasard des rues illuminées de guirlandes de toutes les couleurs. Une vraie féerie. Sur le chemin du retour Victoria, qui devait être un peu pompette, a tenu absolument à chanter des chants de Noël mais aussi des standards anglais parmis lesquels All you need is love: "There's nothing you can do that can't be done / Nothing you can sing that can't be sung..."

12 janvier

La neige n'est pas près de fondre. Il en est retombé 20 centimètres cette nuit. Le manteau blanc qui recouvre Londres n'a rien d'éphémère. Habituellement on a tout juste quelques frimas. Cette année la ville semble enveloppée de silence. La neige assourdit les bruits. L'aube a quelque chose de mystérieux.

Je n'ai fait qu'hiberner depuis que Victoria est partie pour le continent. J'erre comme un vieil ours dans l'appartement. Je n'ai pas envie d'écrire et les larmes me viennent aux yeux pour un oui ou un non. Mon âme a été entaillée par une lame invisible. Seule Victoria peut panser cette plaie béante. Je me languis d'elle bien qu'elle me donne régulièrement de ses nouvelles. Son sourire espiègle et ses jolis yeux de fée me manquent. J'espère qu'elle pourra se libérer au printemps pour un petit voyage en Hollande. Nous irons nous perdre dans les champs de tulipes rouges, roses, jaunes...

16 janvier

Victoria est rentrée il y a trois jours et je ne l'ai pratiquement pas vue depuis son retour. Elle m'a raconté qu'elle s'est faite malmener à la gare de Saint Pancras juste avant de prendre le métro pour Bayswater Road. Quelques individus imbibés d'alcool ont essayé de lui arracher ses possessions. Elle a hurlé et s'est débattue comme un tigresse pour les faire fuir. Les agents de sécurité ont réussi à la sortir de ce mauvais pas et ont saisi les gredins qui ont été placés en cellules de dégrisement au Yard. Elle a été bien secouée mais n'a heureusement pas été blessée.

Le relèvement des prix a provoqué une multiplication des vols à la tire. Une situation qui ne devrait pas aller en s'améliorant après les dernières déclarations de Cameron.

24 janvier

Le week-end dernier j'ai emmené Victoria au zoo après la relève de la garde à Buckingham qu'elle tenait absolument à aller voir. Nous avons passé un temps fou à observer les éléphants. Nous guettions le moment où le soigneur viendrait déposer la ration d'aliments dans le réceptable qui leur sert de mangeoire. Pauvres bêtes privées de liberté pour assouvir le voyeurisme des humains. Une forme d'esclavagisme moderne...   

Ce texte a été rédigé pour l'édition 49 du jeu Des mots, une histoire initié par Olivia. Il y avait 24 mots imposés. Ce texte n'est pas libre de droits. La photo non plus.

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08/03/2023

La petite musique de Victoria

Le soleil avait fait son retour avec les premiers jours du printemps. Les fleurs commençaient à sortir de terre, Kensington se colorait d'un tendre vert et les Londoniens flânaient dans les rues. Toute la ville souriait à nouveau.

Victoria était ravie de l'arrivée des beaux jours. L'hiver avait été particulièrement froid et avait semblé ne jamais vouloir finir. Depuis mi-mars elle allait chaque samedi à Brompton Oratory à pied. Elle traversait le parc pour rejoindre Exhibition Road en saluant Peter Pan d'un petit geste de la main avant de remonter en longeant le Serpentine. Juste avant d'arriver au lac, elle entendait toujours quelqu'un jouer du violon. Le musicien jouait un morceau léger et mystérieux qui l'envoûtait. Cette petite musique tournait dans sa tête toute la journée et parfois tout le week-end.

Un samedi matin elle décida de ne pas aller jusqu'à Brompton Oratory. Elle voulait trouver ce violoniste qui chaque semaine l'envoûtait. Ce jour-là elle jeta à peine un coup d'oeil à la statue de Peter Pan et se dirigea vers le lac comme à l'accoutumée mais au lieu de continuer vers la colline, elle tourna à droite pour s'installer sur une pelouse. Elle s'assit sur un plaid qu'elle avait emporté ainsi qu'un livre. Au bout d'une trentaine de minutes, la petite musique résonna non loin de son point de chute. Elle remarqua un clochard installé sur un banc. Tout en faisant mine de lire, elle épiait son voisin. Il semblait être familier du lieu; chacune de ses possessions avait visiblement sa place. Il était pieds nus. Victoria en déduisit qu'il profitait du soleil pour réchauffer sa vieille carcasse. Ses cheveux étaient blancs, sa barbe épaisse et plutôt longue, ses mains noueuses et gonflées. Elle avait remarqué qu'il portait des lunettes mais elle était trop loin pour voir la couleur de ses yeux.

Ce qui intriguait le plus Victoria c'était l'incroyable talent du clochard pour faire vibrer les cordes de son violon. Elle pensa qu'il avait très certainement donné des concerts à une époque. Un musicien aussi doué avait dû tourner dans le monde entier et elle se demanda comment s'était produit ce revers de fortune.

Au bout d'une heure la musique cessa et Victoria se plongea sérieusement dans sa lecture. De ce fait elle ne remarqua pas que le clochard l'observait à son tour. Il avait un journal à la main qu'il avait ajusté devant son visage de façon à ce qu'elle le croit en train de lire. Au lieu de cela ses yeux erraient sur les cheveux châtains de la jeune femme, ses joues rosées et la moue de ses lèvres lorsqu'elle était concentrée sur son livre. Il la vit sourire à plusieurs reprises et se demanda quelle était sa lecture. Il aurait aimé aller lui parler mais il avait peur de l'effrayer et de ne pas la revoir car il l'attendait chaque samedi matin. Il guettait sa silhouette et ses cheveux bercés par la cadence de ses pas.

Ce texte n'est pas libre de droits. La photo non plus.

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