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24/12/2023

Cher Tiberio

A l’approche des fêtes Marcella n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle n’arrivait pas à se concentrer, elle était exténuée, toujours assaillie par le même flot de pensées concernant Tiberio. Son état s’apparentait à un réel effondrement. Elle était par ailleurs d’une humeur massacrante et en faisait baver à tout le monde que ce soit à la maison ou au boulot. Elle avait des accès de colère contre Flavio. Le gamin, qui ne l’avait jamais connue dans cet état, ne comprenait pas. A force, et par lassitude, il ne disait plus rien et se repliait dans son coin. 

Marcella suffoquait souvent. Les larmes perlaient à ses yeux constamment. Son sommeil était haché et elle n’avait pratiquement plus d’appétit. Elle était triste, rien ne lui faisait plaisir. Si elle avait consulté un psychiatre, il lui aurait sans doute diagnostiqué une dépression réactionnelle. Réactionnelle à un choc émotionnel. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi Tiberio avait choisi de disparaître comme ça. Peut-être espérait-il qu’elle s’en tiendrait à cette version-là? Alors pourquoi s’être montré à Venise? Voulait-il la faire souffrir, la maintenir dans une dépendance affective comme aurait fait un pervers narcissique? Ou bien était-il jaloux qu’elle puisse refaire sa vie? 

Marcella se disait que pendant les années qu’ils avaient passées ensemble il entretenait peut-être une relation avec une autre femme et avait eu d’autres enfants. S’il s’était fait passer pour mort afin de retrouver cette femme, elle constatait amèrement que leur couple n’était en fait bâtit que sur un lit de mensonges. Quelle lâcheté de sa part… Elle aurait aimé qu’il ait le courage de lui dire, les yeux dans les yeux, qu’il avait failli et que s’il n’avait plus de sentiments pour elle qu’il soit honnête et ose lui avouer. Elle aurait écouté même si elle aurait mis du temps à encaisser. Elle lui faisait confiance… Il l’avait trahie. Elle l’aimait sincèrement… Il s’était joué d’elle. 

La veille du réveillon de Noël Marcella se dit qu’elle ne pouvait pas continuer ainsi. Soit elle se laissait aspirer par le fond et en finissait avec la vie, soit elle décidait de se délester de ce poids et choisissait de rebondir. Elle devait s’occuper de Flavio. Lui n’y était pour rien dans cette histoire et n’avait pas à payer pour ce que son père avait fait. 

Pour donner corps à sa décision et avoir l’esprit en paix, Marcella décida de poster sur son blog une petite carte de voeux à l’intention de Tiberio, une bouteille à la mer qu’il lirait peut-être.

Cher Tiberio

Nous ne sommes pas sans manifestations d’énergie sur notre bonne Terre, ni d’espérance en ce temps de Noël. 

Tout à l’effervescence de Noël avec Flavio, je te souhaite une année pleine d’énergie et de promesses.

Que 2024 voie l’accomplissement de tes désirs, rêves et espérances et qu’elle t’apporte joie, bonheur, santé.

Affectueusement

Marcella

Voyage à Venise : votre séjour avec le spécialiste OOVATU.

20/08/2023

Elle n'avait pas renoncé

Marcella n'avait pas renoncé à l'idée de retrouver Tiberio. Et elle s'était décidée à retourner à Venise pendant les mois d'été. Flavio était parti quelques jours avec ses grands-parents et elle en avait profité. Elle avait glissé quelques affaires dans un sac et avait roulé presque sans s'arrêter jusqu'à la cité des Doges.

Arrivée sur place elle avait pensé interroger les gens du quartier mais ne voulait pas éveiller les soupçons. Elle s'était donc résolue à glisser un mot dans chaque boîte aux lettres du Rio dei Bareteri, en espérant que peut-être Tiberio le lirait. Le temps était orageux. Elle craignait que l'encre des enveloppes prennent la pluie mais elle n'avait pas renoncé à son projet. Elle s'y était rendue en fin de matinée et une à une, elle avait glissé les enveloppes dans chaque boîte à lettres qui se présentait. Arrivée au n°6, qui comportait trois boîtes différentes, elle s'aperçut que les boîtes des étages 1 et 2 avaient été condamnées. Quelqu'un les avait fermées avec du scotch de réparation de couleur grise. Elle en déduisit qu'il n'y avait que le rez-de-chaussée qui était occupé. Etait-ce le propriétaire de l'immeuble qui y vivait? Ou bien un locataire? Elle aurait donné cher pour pouvoir entrer car aucun nom n'était indiqué. Mais il n'y avait pas de sonnette pour s'annoncer. Elle n'allait quand même pas revenir à la nuit tombée pour essayer de crocheter la serrure. Et puis c'était risqué. Un bateau des carabinieri était posté  tout près. Elle se ferait vite repérer. 

Elle était rentrée à Rome le jour même et se sentait apaisée. Ne restait plus qu'à attendre un signe de Tiberio. Mais voudrait-il se manifester?

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22/03/2023

Indécent

Il est minuit. Cette journée m'a épuisée. Je n'ai eu que des soucis à la rédaction. Le petit mot que vous avez glissé dans ma boîte aux lettres fut donc un réel réconfort. Il m'a réchauffé le coeur.

A l'heure qu'il est, peu probable que cet e-mail vous trouve éveillé... Vous le lirez demain matin avec autant de plaisir, je l'espère, que j'ai eu à lire votre doux billet. Aussi doux que la chaleur de vos bras autour de mes épaules.

Aurez-vous une heure ou deux samedi matin pour une balade? J'ai aimé, pour ne pas dire adoré, celle de la semaine dernière en votre compagnie. Flâner dans les allées de Kensington Gardens à votre bras fut un moment délicieux. Peut-être pourrions-nous prolonger cette promenade par un déjeuner en terrasse... Le soleil est là pour quelque temps. Et s'il nous faisait faux bond, je sais que j'en trouverai très certainement un peu dans vos yeux.

A très vite, mon cher Peter. Je vous embrasse de la façon indécente qui, je m'en souviens, vous plaît.  

Victoria

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture de Skriban. Le début et la fin (en mauve) étaient imposés. Ce texte n'est pas libre de droits. La photo non plus.

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15/03/2023

All you need is... love!

6 janvier

Je ne quitte plus le pull en cachemire que Victoria m'a offert à Noël. Elle l'avait déposé sous le sapin juste à côté de la crèche avec ses santons rapportés de Provence. Elle avait un regard lumineux de petite fille lorsque j'ai ouvert mon cadeau; elle guettait chacune de mes réactions. On a pris un peu d'avance sur le calendrier pour célébrer Noël car elle avait prévu de rentrer en France pour passer les fêtes en famille. Elle partait en Eurostar le 23 décembre alors le 21 je lui ai concocté un petit dîner romantique dans un restaurant de Knightsbridge. Après le repas nous avons marché au hasard des rues illuminées de guirlandes de toutes les couleurs. Une vraie féerie. Sur le chemin du retour Victoria, qui devait être un peu pompette, a tenu absolument à chanter des chants de Noël mais aussi des standards anglais parmis lesquels All you need is love: "There's nothing you can do that can't be done / Nothing you can sing that can't be sung..."

12 janvier

La neige n'est pas près de fondre. Il en est retombé 20 centimètres cette nuit. Le manteau blanc qui recouvre Londres n'a rien d'éphémère. Habituellement on a tout juste quelques frimas. Cette année la ville semble enveloppée de silence. La neige assourdit les bruits. L'aube a quelque chose de mystérieux.

Je n'ai fait qu'hiberner depuis que Victoria est partie pour le continent. J'erre comme un vieil ours dans l'appartement. Je n'ai pas envie d'écrire et les larmes me viennent aux yeux pour un oui ou un non. Mon âme a été entaillée par une lame invisible. Seule Victoria peut panser cette plaie béante. Je me languis d'elle bien qu'elle me donne régulièrement de ses nouvelles. Son sourire espiègle et ses jolis yeux de fée me manquent. J'espère qu'elle pourra se libérer au printemps pour un petit voyage en Hollande. Nous irons nous perdre dans les champs de tulipes rouges, roses, jaunes...

16 janvier

Victoria est rentrée il y a trois jours et je ne l'ai pratiquement pas vue depuis son retour. Elle m'a raconté qu'elle s'est faite malmener à la gare de Saint Pancras juste avant de prendre le métro pour Bayswater Road. Quelques individus imbibés d'alcool ont essayé de lui arracher ses possessions. Elle a hurlé et s'est débattue comme un tigresse pour les faire fuir. Les agents de sécurité ont réussi à la sortir de ce mauvais pas et ont saisi les gredins qui ont été placés en cellules de dégrisement au Yard. Elle a été bien secouée mais n'a heureusement pas été blessée.

Le relèvement des prix a provoqué une multiplication des vols à la tire. Une situation qui ne devrait pas aller en s'améliorant après les dernières déclarations de Cameron.

24 janvier

Le week-end dernier j'ai emmené Victoria au zoo après la relève de la garde à Buckingham qu'elle tenait absolument à aller voir. Nous avons passé un temps fou à observer les éléphants. Nous guettions le moment où le soigneur viendrait déposer la ration d'aliments dans le réceptable qui leur sert de mangeoire. Pauvres bêtes privées de liberté pour assouvir le voyeurisme des humains. Une forme d'esclavagisme moderne...   

Ce texte a été rédigé pour l'édition 49 du jeu Des mots, une histoire initié par Olivia. Il y avait 24 mots imposés. Ce texte n'est pas libre de droits. La photo non plus.

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02/03/2023

Le vagabond de Kensington Gardens

6 janvier

Je fais toujours des plans sur la comète bien que je n'en sache pas beaucoup plus sur la vie de Victoria. Elle ne dit rien d'elle; elle est secrète. Pourtant son métier consiste à communiquer. Des infos sur le monde, certes, mais communiquer tout de même.

Je n'ai pas osé lui déclarer ma flamme lorsque je l'ai invitée à boire un verre avant les fêtes. Ses yeux brillaient comme deux étoiles ce soir-là. J'aurais peut-être dû me lancer avant qu'un Apollon ne vienne me couper l'herbe sous le pied. Les occasions de rencontrer quelqu'un ne manquent pas dans sa profession.

Je vais écrire une charade ce soir avec ma vieille plume sergent-major et je la glisserai dans sa boîte à lettres demain matin en allant acheter le pain. Pourvu qu'elle ne trouve pas cela farfelu et démodé. Il me vient de ces idées parfois!

20 janvier

J'ai croisé un vagabond ce matin dans Kensington Gardens qui m'a proposé des partitions pour violon. Il m'a expliqué qu'il n'avait plus la force de jouer et que ce qui l'importait actuellement c'était de manger à sa faim. Il m'a aussi proposé un vieux jeu de tarot pour 50 livres. Cela m'a paru bien en-deçà de la valeur d'un exemplaire datant de 1883. Je lui ai dit que je reviendrai samedi prochain car je n'avais pas la somme sur moi. Je vais mettre cette semaine à profit pour me renseigner sur la valeur exacte d'un tel jeu. Quelle histoire que je ne trouve pas dans tout Londres un antiquaire spécialiste des cartes pour une estimation.

27 janvier

Lorsque je suis allé à Kensington Gardens ce matin j'ai trouvé Jamie endormi sur son banc. Une bouteille de scotch bon marché était couchée sur le sol. Elle était vide. Mon bonhomme avait dû réussir à vendre quelques papiers dans la semaine pour s'acheter de quoi s'hydrater le gosier. Je l'ai laissé dormir.

Pendant ce temps-là j'ai inspecté ses affaires. Il y avait éparpillé autour du banc une pipe et un paquet de tabac entamé aux 2/3, un bâton d'une trentaine de centimètres qu'il a vraisemblablement taillé en pointe pour fouiller les poubelles et la terre, une paire de chaussettes qui n'a plus de couleur, un blouson blanc qui devait être à la mode dans les années 60 et une grande houppelande en laine qui a dû un jour être grise. Parmi les objets étranges une sarbacane en bois, un chapeau haut de forme noir et une canne épée au pommeau en argent. Son étui à violon ainsi que les partitions et les cartes étaient sous le banc, dissimulés sous un morceau de tissu.

Il s'est réveillé deux heures après mon arrivée mais avec ce qu'il avait ingurgité il aurait très bien pu se réveiller qu'à l'équinoxe de printemps. Il a eu un peu de mal à se remémorer notre conversation de la semaine passée puis il m'a demandé si le prix me convenait toujours. Je lui ai donné l'enveloppe que j'avais apportée avec la somme que m'avait indiqué un antiquaire de Portobello Road, à savoir 130 livres. Une petite fortune pour Jamie qui pourra peut-être garder quelques partitions s'il souhaite se remettre au violon.

Ce texte a été rédigé dans le cadre de la 38ème édition du jeu "Des mots, une histoire" initié par Olivia du blog Désir d'Histoires. Il n'est pas libre de droits. La photo non plus.

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Kensington Gardens

12/02/2023

A chaque fois plus triste

Marcella s’était rendue plusieurs fois à Venise dans l’espoir de trouver Tiberio. Entreprise insensée. S’il avait vraiment voulu qu’elle le retrouve il lui aurait envoyé des indices, aurait semé des petits cailloux ici et là, l’aurait mise sur la voie. Elle n’avait que le souvenir des maisons sur la photo que Gianni lui avait transmise. Elle essaya de se rappeler où elles pouvaient se situer dans le quartier que Tiberio avait évoqué un soir d’été. 

La première fois que Marcella était retournée seule à Venise, elle n’avait pas su par où commencer. Elle avait donc décidé de s’imprégner de l’ambiance du quartier, de noter dans sa tête les boutiques qui y étaient installées. Elle avait scruté les visages des passants qu’elle croisait, avait ausculté chaque silhouette dans l’espoir de reconnaître un corps familier. Puis, elle avait trouvé l’endroit dont Tiberio avait parlé. Quatre immeubles le long du Rio dei Bareteri. Elle n’avait pas osé trop s’attarder devant, craignant le regard des habitants. 

Elle ne voulait rien précipiter non plus car elle sentait au fond d’elle un peu de colère et que la colère est toujours mauvaise conseillère. Elle avait le sentiment que Tiberio l’avait abandonnée. Avait-elle dit ou fait quelque chose qui l’aurait poussé à disparaître?  Cette question tournait en boucle dans sa tête. Il n’avait en tout cas rien laissé paraître. 

La deuxième fois qu’elle s’était rendue à Venise, elle s’était attardée devant les quatre bâtiments. Elle avait regardé le nom sur les boîtes à lettres mais aucun nom ne correspondait à celui de Tiberio. Au n°6 il n’y avait même pas de noms, simplement le numéro des étages inscrit sur chaque boîte. Il n’y avait pas de sonnette non plus. Sur la boîte du rez-de-chaussée était également inscrit “Etage 0” en plus de l’acronyme “RDC”. Qui pouvait confondre le rez-de-chaussée avec le premier étage? En Angleterre cela aurait été possible, mais pas en Italie. Marcella trouva cela inapproprié. 

Le temps était maussade le jour où elle y était allée. Elle était un peu plus apaisée mais elle n’avait pas vraiment avancé. Le temps lui manquait pour chercher. Elle avait confié Flavio à ses grands-parents et avait promis qu’elle serait de retour rapidement. Elle avait dû se résoudre à renoncer. Il fallait rentrer. Sur le chemin du retour une vague de tristesse l’avait submergée. Elle avait pleuré. Être si près du but et ne pouvoir le toucher…    

La troisième fois qu’elle s’y était rendue, la journée était splendide. Le ciel était d’une rare beauté et l’eau de la lagune avait des teintes bleu irisé. Elle n’avait pas rejoint le quartier tout de suite, préférant flâner un peu le long du Grand Canal. Puis, à nouveau, elle s’était dirigée vers les quatre immeubles repérés. Elle les avait contournés pour arriver cette fois-ci de l’autre côté. Mais pas de miracle, rien n’avait changé. Aucun indice supplémentaire. Aucune silhouette familière. Elle ne l’avait pas trouvé.

Marcella était rentrée à Rome encore plus triste que la fois précédente et se demanda si elle ne devait pas faire une croix sur la cité des Doges, renoncer définitivement à y aller. Ou bien devait-elle simplement éviter ce quartier? Savoir que Tiberio pouvait s’y balader était douloureux rien que d’y penser. Savoir qu’il était vivant et qu’elle ne pouvait pas lui parler… 

Se sentant diminué Tiberio avait-il voulu la protéger, la laisser vivre sa vie sans soucis? Ou bien ne supportait-il pas qu’elle le voit affaibli, les traits tirés par la maladie? Elle aurait aimé lui dire que la maladie et la mort font partie de la vie, qu’ils se seraient battus ensemble, qu’il y aurait eu des moments de répit. Ils se seraient tenu lieu de tout et auraient compté pour rien le reste.

Une autre hypothèse avait cependant germé depuis peu dans son esprit. Marcella trouvait que Tiberio ressemblait beaucoup à un de ses oncles mort accidentellement pendant la guerre d’Algérie. Elle avait trouvé quelques photos de lui dans un vieil album chez ses parents. C’était en fait un demi-frère de son père. On lui en avait peu parlé. Il n’y avait que sa grand-mère qui l’évoquait avec des gens qu’elle connaissait. Lorsque le corps avait été rapatrié en France le cercueil était scellé. Et si cet oncle n’avait pas été tué? S’il avait changé d’identité? S’il avait eu des enfants? 

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28/01/2023

Avec une pointe de défi

Marcella était rentrée à Rome depuis un mois mais son esprit était encore à Venise. La silhouette de Tiberio dansait devant ses yeux sans cesse. Elle n’arrivait pas à s’ôter cette vision de la tête. Elle y pensait, quoi qu’elle fasse: en réunion au consulat, dans les transports en commun, lorsqu’elle préparait le dîner… Rien ne pouvait l’empêcher d’y penser. Elle cherchait des explications, essayait de recouper les informations, son esprit tourbillonnant à toute vitesse. Elle savait qu’elle n’avait pas rêvé.

Bien sûr elle savait aussi qu’elle ne pouvait en parler à personne. Si elle avait dit qu’elle avait cru voir Tiberio on l’aurait prise pour une folle et - outre lui rire au nez - on lui aurait conseillé de consulter à l’HP. 

Puis, à force de ressasser toutes les infos collectées, sa mémoire ramena à la surface des impressions et des sensations qu’elle avait emmagasinées. Elle explora toutes les pistes qui venaient. Rien ne devait lui échapper.  

Tiberio lui avait raconté un jour qu’avec ses meilleurs amis, qui faisaient eux aussi partie du Club des 24, ils avaient chacun fait un voeu qu’ils avaient glissé dans une enveloppe. Qu’est-ce que Tiberio avait bien pu écrire?  Est-ce que l’enveloppe avait été ouverte alors qu’il était malade? Elle ne connaissait que quelques uns des membres du club et rien n’avait filtré. Parmi eux Pietro mais qui était lui aussi décédé. Elle ne pourrait donc pas l’interroger.  

Puis, quelque temps après la mort de Tiberio, elle se rappela avoir reçu un e-mail de Gianni, l’un de ses meilleurs amis. E-mail contenant une photo de maisons et une adresse tronquée, la ville n’étant pas mentionnée. Elle avait trouvé ce courrier électronique étrange, voire farfelu. Elle l’avait jeté. Maintenant qu’elle y pensait, les maisons ressemblaient beaucoup aux maisons vénitiennes, des maisons devant lesquelles elle était déjà passée. Il n’y avait aucun message explicatif dans le courrier: juste une photo et une adresse tronquée. Elle se rappela que Tiberio avait évoqué cet endroit un soir d’été six ou sept ans avant son décès. Ils étaient en train de prendre un rafraîchissement avec des amis et, les yeux brillants, il avait dit qu’il aimerait bien y finir sa vie en regardant Marcella avec une pointe de défi. Elle pensa contacter Gianni mais ne savait pas si c’était une bonne idée. Si longtemps après… Et pouvait-elle lui faire confiance? 

Marcella tergiversait. Elle ne savait pas quoi faire. Le dernier samedi de janvier, alors qu’elle prenait son premier café de la journée, elle pensa que la meilleure idée était peut-être de retourner à Venise et d’aller frapper aux portes de ces maisons. Elle devait savoir. Restait à trouver le meilleur moment pour s’y rendre. Flavio ne devait se douter de rien. Il faudrait faire l’aller-retour rapidement. Elle s’arrangerait pour que le petit dorme chez un copain ou chez ses grands-parents.

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