17/07/2011
Les dimanches poétiques (47)
Oceano Nox - Victor Hugo
Oh! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis?
Combien ont disparu, dure et triste fortune?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfoui?
Combien de patrons morts avec leurs équipages?
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots!
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée,
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots.
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues!
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus
Oh! que de vieux parents qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus!
On demande "Où sont-ils? Sont-ils rois dans quelque île?
Nous ont'ils délaissés pour un bord plus fertile?"
Puis, votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.
On s'entretient de vous parfois dans les veillées,
Maint joyeux cercle, assis sur les ancres rouillées,
Mêle encore quelque temps vos noms d'ombre couverts,
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,
Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures
Tandis que vous dormez dans les goémons verts!
Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L'un n'a-t-il pas la barque et l'autre sa charrue?
Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encore de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur coeur.
Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont!
Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires?
O flots! que vous savez de lugubres histoires!
Flots profonds redoutés de mères à genoux!
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous...
(La photo n'est pas libre de droits.)
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01/12/2010
L'Entreprise des Indes - E. ORSENNA
C'est toujours un plaisir d'ouvrir un livre d'Erik Orsenna parce que je sais que l'auteur va me faire voyager. Dans ce présent ouvrage il nous fait voyager dans l'espace mais aussi dans le temps.
Il s'agit ici de la mise sur pied du voyage de Christophe Colomb vers l'ouest pour atteindre les Indes. On sait bien sûr aujourd'hui que ses calculs étaient faux et que ce qu'il a découvert est tout simplement un autre continent. Mais à l'époque les marins, et plus particulièrement ceux qu'on appelait les "découvreurs", se nourrissaient uniquement des récits de ceux qui avaient parcouru le monde en bateau ou à pied pour évaluer les distances et tracer des cartes. Les cartes ont une grande place dans ce roman, ainsi que les cartographes dont Bartolomé, le frère cadet de Christophe.
C'est ce frère qui nous raconte l'histoire. Âgé et retiré sur l'île d'Hispanola, il relate à un dominicain curieux et son scribe comment est né et a enflé le projet de son aîné de rejoindre les Indes par l'ouest. Bartolomé nous raconte la vie maritime de Lisbonne, les habitudes des marins, les femmes, sa relation avec son frère et son dévouement envers celui-ci. Mais le royaume du Portugal ne retient pas le projet et Christophe propose son Entreprise aux voisins espagnols qui vont affréter trois caravelles.
Le style n'est pas ampoulé, les mots avancent sur l'eau au gré du vent et des souvenirs de Bartolomé. Ils prennent la couleur des impressions et des sentiments, voguent vers le lointain ou s'en reviennent au port avec la marée. C'est une belle aventure que nous livre Erik Orsenna, qui était venu en parler il y a quelques mois à la librairie l'Armitière à Rouen, pour notre plus grand bonheur.
L'Entreprise des Indes - Erik ORSENNA - Ed. Stock/Fayard - 2010
Objectif 5/10
23:54 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : livres, littérature, romans, navigation, marins, christophe colomb, actu, actualité, portugal, nouveau monde, erik orsenna | Facebook |