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13/06/2021

Les dimanches poétiques (278)

"La chance ne sourit qu'aux esprits bien préparés".

Louis PASTEUR

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31/05/2021

Elle écouta un instant le silence

A peine Victoria eut-elle jeté les carottes dans le fond de la poêle que la sonnerie du téléphone se mit à retentir. Habituellement lorsque quelqu'un appelait vers 20h elle ne répondait pas, jugeant qu'elle avait mérité un peu de repos. Elle voulait aussi profiter de son appartement de Bayswater Road donnant sur Kensington Gardens dans lequel elle avait emménagé quelques mois plus tôt.

Mais ce soir-là elle fut comme attirée par la sonnerie. Elle s'essuya les mains et se dirigea vers le bureau où elle avait installé le téléphone. La sonnerie se faisait de plus en plus nette et stridente. Elle décrocha le combiné avec une pointe d'agacement et comme d'habitude, accueillit son interlocuteur par un "oui, bonsoir" qu'elle avait essayé de prononcer sur le ton le plus cordial possible après une journée harassante.

Ses mots tombèrent dans le vide. Aucun écho, aucune voix ne se fît entendre. Et pourtant il y avait quelqu'un à l'autre bout du fil. Elle essaya un "allô" mais pas de réponse. Le souffle coupé, elle écouta un instant le silence. L'autre ne parlait pas et finit par raccrocher.

Toutes les hypothèses se bousculèrent dans sa tête. Une erreur? Quelqu'un qui voulait savoir si elle était chez elle? Ce genre de situation ne lui était encore jamais arrivée. Se pouvait-il que ce soit Adrien qui ait essayé de la joindre depuis Paris? Il avait assez mal encaissé l'idée de Victoria de s'installer à Londres mais il ne lui avait rien proposé et elle se sentait libre. Voulait-il lui parler?

Elle échaffaudait les scénarios les plus fous. Et si c'était un détraqué qui habitait dans son immeuble? Ou un collègue qui était sous le charme de ses yeux verts? Plein de noms lui venaient à l'esprit. 

Puis, ses yeux se portèrent sur le calendrier. Nous étions le 9 août. En France, le jour de la Saint Amour. D'un seul coup les noms auxquels elle avait pensé dans un premier temps diminuèrent. N'en restaient que quatre ou cinq.

Si seulement elle avait eu un téléphone dernier cri, elle aurait peut-être pu savoir à qui appartenait le numéro. Au lieu de ça elle avait un vieux coucou que quelqu'un de la rédaction avait bien voulu lui prêter.  

Perdue dans ses pensées, Victoria retourna dans la cuisine d'un pas traînant et remua les carottes qui commençaient à attacher dans le fond de la poêle. Elle remua les légumes sans vraiment faire attention à ce qu'elle faisait. Elle avait l'esprit ailleurs.

Ce texte n'est pas libre de droits. La photo non plus.

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30/05/2021

Les dimanches poétiques (277)

"Mon amour,

tu me manques incroyablement : loin de toi, c'est immédiatement toutes les poches d'angoisse qui se rouvrent, laissent échapper leurs questions fétides, la nuit devient un long défilé de ce qui peut passer à travers l'intestin, la colonne vertébrale pour venir frapper le cerveau de biais. Sans toi, c'est "l'à quoi bon", tout de suite. Pense à moi, garde tout, de près, contre toi."

Philippe SOLLERS in Lettres à Dominique Rolin 1958-1980 (Ed. Gallimard - 2017)

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09/05/2021

Les dimanches poétiques (276)

"J'ai pu penser que l'écriture me procurerait une identité stable, qu'elle me permettrait en tout cas de m'inventer, de me définir hors du regard des autres. Mais j'ai compris que ce fantasme était une illusion. Être écrivain, pour moi, c'est au contraire se condamner à vivre en marge. Plus j'écris et plus je me sens excommuniée, étrangère. Je m'enferme des jours et des nuits pour tenter de dire ces sentiments de honte, de malaise, de solitude, qui me traversent. Je vis sur une île non pas pour fuir les autres mais pour les contempler et assouvir ainsi la passion que j'ai pour eux. Je ne sais pas si écrire m'a sauvé la vie. Je me méfie, en général, de ce genre de formulation. J'aurais survécu sans être écrivain. Mais je ne suis pas sûre que j'aurais été heureuse."

Leïla SLIMANI in Le parfum des fleurs la nuit (Ed. Stock - 2021)

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25/04/2021

Les dimanches poétiques (275)

"Mon amour,

On a vraiment fondé un pays qui n'existe pas, et qui, pourtant, existe davantage que toutes les régions de la planète. Pays d'espace-temps-page, de lignes et de lettres, réglé par une vibration qui n'en finit pas. Un peu comme il y a une autre Venise dans Venise, un double qui n'a rien à voir avec ce que les gens viennent visiter et toucher... [...]"

Philippe SOLLERS in Lettres à Dominique Rolin 1958-1980 (Ed. Gallimard - 2019)

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14/03/2021

Les dimanches poétiques (274)

"Mon amour,

il est temps, maintenant, de se retrouver: aujourd'hui, découragement, tristesse. J'ai besoin, cellulairement, de ta présence, de ton souffle, de ton courant nerveux - de nos sommeils, de ce qui change l'air sans que nous y pensions lorsque nous sommes ensemble. Les pages écrites se brouillent, j'ai l'impression qu'elles se diluent en brouillard, un peu plus et j'irai noyer le tout dans la vase. Le temps est à l'orage, flasque, bouché, désarmé - [...]"

Philippe SOLLERS in Lettres à Dominique Rolin 1958-1980 (Ed. Gallimard - 2017)

28/02/2021

Les dimanches poétiques (273)

"Décidément, je suis décidé, à mon retour, à reprendre une attitude terroriste. La gentillesse et la complaisance ne me vont qu'à demi. Un petit saccage. Ce sera aussi plus amusant."

Philippe SOLLERS in Lettres à Dominique Rolin 1958-1980 (Ed. Gallimard - 2019)

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