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05/04/2020

Les dimanches poétiques (255)

"J'avais grimpé au coeur d'un arbre et je regardais, ébloui, la féerie du monde. Qui aurait pu se douter, face à tant de beauté, à l'intelligence si parfaite de toutes ces couleurs, à cette explosion de vie, que nous avions rendu en quelques années cette planète malade? Il y a cent mille ans, des hommes avaient regardé comme moi, peut-être perchés dans des arbres, ce spectacle grandiose. Etions-nous trop prétentieux, trop bêtes, pour dédaigner ainsi cette beauté, pour la saccager?"

René FREGNI in Dernier arrêt avant l'automne (Ed. Gallimard - 2019)

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28/03/2020

Dans l'esprit et dans le coeur

Sarah glissa la cassette dans l'auto-radio. La bande grésillait un peu. Puis, après quelques secondes, la voix des Bee Gees emplit l'habitacle de la voiture: I know your eyes in the morning sun, I feel you touch me in the pouring rain... 

La-dite cassette était arrivée dans une grande enveloppe avec un dossier épais d'une dizaine de pages. L'ensemble avait été posté au Japon trois semaines plus tôt. Quand Sarah avait vu la provenance du courrier son coeur s'était emballé. C'était Alexandre. Oui, c'était bien lui. Après huit mois de silence il lui donnait des nouvelles. Il était maintenant installé à Nagoya. Il visitait la ville et les environs. L'Europe lui manquait, l'Italie lui manquait, son passé lui manquait mais il n'envisageait pas de rentrer. C'était encore trop tôt.

Dans la lettre qui accompagnait la cassette et le récit, il avait expliqué les raisons de son départ. Il disait aussi pourquoi il lui avait envoyé cette cassette. Celle-ci, vestige de son passé à Combloux, l'avait accompagnée sa vie durant. Il n'y avait dessus que des titres des années 70 et 80, ses titres préférés de l'époque. Ces chansons étaient un lien avec les siens, du temps où il vivait encore avec eux. A chaque fois qu'il les écoutait il pensait aux moments qu'ils avaient passé ensemble. Cette cassette était une façon de ne pas les oublier. Il espérait à présent que grâce à cette cassette Sarah ne l'oublierait pas.

Comme le disait si justement Kundera "Il faut arroser les souvenirs comme des fleurs en pot". Cette cassette serait l'eau qui raviverait l'image d'Alexandre dans l'esprit de Sarah. Dans l'esprit et dans le coeur. Il lui avait aussi demandé d'être patiente.

Texte précédent:

Mettre de la distance avec le passé

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier L'écriture aux temps du corona jour 7. Il n'est pas libre de droits. La photo, de Tobias Tullius, n'est pas libre de droits non plus. La phrase imposée à insérer au texte est tirée d'une oeuvre de Milan Kundera: "Il faut arroser les souvenirs comme des fleurs en pot".

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22/03/2020

Les dimanches poétiques (254)

"Rien n'est plus magique que l'écriture, elle va chercher des débris de vie dans des replis secrets de nous-mêmes qui n'existaient pas cinq minutes plus tôt. On croit avoir tout oublié, on allume une lampe, on se penche sur un cahier et la vie entière traverse votre ventre, coule de votre bras, de votre poignet dans ce petit rond de lumière, un soir d'automne, dans n'importe quel coin perdu de l'univers."

René FREGNI in Dernier arrêt avant l'automne (Ed. Gallimard - 2019)

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23/02/2020

Châtiment divin

Marcella s'était amusée plein de fois à imaginer ce qu'ils feraient quand ils seraient vieux. Elle s'était aussi demandé à quoi ils ressembleraient avec Tiberio. Auraient-ils beaucoup de cheveux blancs? Pourraient-ils voyager malgré les douleurs d'arthrose? Ils rêvaient tous les deux de faire une croisière sur le Danube...

Mais aujourd'hui elle se disait qu'ils n'auraient peut-être pas le temps de vieillir. Les autorités leur avaient ordonné, à eux et à toute la population, de rester confinés chez eux pour éviter d'être infectés. Ils étaient enfermés depuis maintenant quinze jours. La maladie se propageait de façon exponentielle. Les médias rapportaient des dizaines de morts chaque jour, du nord au sud de l'Italie. L'Etat était dépassé. Quant à l'Eglise, elle voyait là un châtiment divin. L'Homme devait expier ses fautes. Pour  Marcella, c'était surtout la faute aux Chinois, et elle leur en voulait de mettre ainsi son avenir en péril et, plus largement, l'avenir de toute l'Humanité. 

Texte rédigé pour l'atelier d'écriture n°361 de BricàBook. Il n'est pas libre de droit. La photo, de Sean Thoman, n'est pas libre de droit non plus.

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16/02/2020

Les dimanches poétiques (253)

"Je ne savais pas que j'allais me retrouver face à l'insoluble, moi qui m'étais retranchée dans ma parcelle de beauté et de refus, dans la radicalité de la solitude, sa simplicité, sa facilité; moi qui avais relevé le défi de gagner ma vie à l'écart. Qui étais sortie du monde. Mais c'est quand on en est sorti qu'on s'aperçoit que le reste du monde a la peste. Ca crève les yeux. Le reste du monde et nous aussi, voilà ce que j'apprendrai. Nous aussi, nous avons la peste, même si nous prétendons à l'innocence."

Claudie HUNZINGER in Les grands cerfs (éd. Grasset - 2019)

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02/02/2020

Les dimanches poétiques (252)

"Il existe des profils de bourreau et des profils de victime. Mes anciens employeurs doivent penser qu'ils ne sont pas si terribles, refusant de voir ces faits comme les raisons de mon état, et pourtant. Ils doivent se rendre compte de ce qu'ils m'ont fait et de ce qu'ils font à d'autres: le résultat passe avant tout, quoi qu'on en dise. Leur rentabilité tue."

Anne-Veronique HERTER in Le cri du corps (éd. Michalon - 2018)

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05/01/2020

Les dimanches poétiques (251)

"Le Dieu de l'Ancien Testament est violent, guerrier, tout-puissant, vengeur, un peu comme les dieux grecs dans l'Iliade et lOdyssée (l'expulsion du jardin d'Eden, la malédiction de Caïn, le Déluge, la destruction de Sodome et Gomorrhe, les plaies d'Egypte), alors que celui du Nouveau Testament est doux, attentif aux plus faibles, aimant, conciliant. Mon maître et ami Marc Bonnant résume cela d'une formule: "Dieu est de droite, Jésus est de gauche."

Bertrand PÉRIER in Sur le bout de la langue (éd. JC Lattès - 2019) 

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