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21/06/2020

Les dimanches poétiques (260)

"Je savais qu'au-delà de ces bois le monde était en flammes, attisé chaque jour par l'avidité des hommes, leur insatiable voracité. Ils n'en avaient jamais assez. Pour voir passer à leurs pieds des fleuves d'argent, ils détruisaient tout, les êtres vivants, les forêts, les océans, les rivières et les nuages, ils saccageaient les entrailles de la terre, souillaient le ciel. Toujours inassouvis, aux aguets, jaloux, affûtant nuit et jour les mille ruses de leur égoïsme."

René FREGNI in Dernier arrêt avant l'automne (Ed. Gallimard - 2019)

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31/05/2020

Les dimanches poétiques (259)

"Mon amour,

Maintenant, tu me manques. Il me faut la soirée de lundi, ton bras, le Veineux, la 32! Marre de travailler tout le temps! Et pourtant, il le faut. Pourquoi? Pour qui? Pour nous. Pour eux. La "société" est devenue un désert complet, une spirale d'inanité et d'oubli. Envie de retrouver personne. Sauf toi! Et encore toi. Et toujours toi. [...]"

Philippe SOLLERS in Lettres à Dominique Rolin 1981-2008 (Ed. Gallimard - 2019)

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17/05/2020

Les dimanches poétiques (258)

"Mon amour

Je ne te dis jamais assez que je t'aime, c'est là le problème. Si je m'écoutais, je te téléphonerais toutes les dix minutes, cela deviendrait hallucinant, donc, note bien que je suis fou (de toi). Voilà bien la chose la plus raisonnable que j'ai faite de ma vie (être fou de toi). Petite femme d'amour, on est au cœur des choses. Des choses? Même pas: au cœur du cœur. Le Cœur absolu (bon titre, quand on y pense). [...]"

Philippe SOLLERS in Lettres à Dominique Rolin 1981-2008 (Ed. Gallimard - 2019)

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03/05/2020

Les dimanches poétiques (257)

"J'avais appris que la patience était une vertu suprême, la plus élégante et la plus oubliée. Elle aidait à aimer le monde avant de prétendre le transformer. Elle invitait à s'asseoir devant la scène, à jouir du spectacle, fût-il un frémissement de feuille. La patience était la révérence de l'homme à ce qui était donné."

Sylvain TESSON in La panthère des neiges (Ed. Gallimard - 2019)

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19/04/2020

Sur les négatifs

Francesco avait réussi à installer une chambre noire dans l'appartement de la via Dei Sabini. Il aimait l'argentique et l'odeur des produits pour révéler les images. Les premières photos développées montraient les deux curés qu'ils avaient vus près de la fontaine de Trevi. Et il y avait bien là l'un de ceux qui étaient venus le trouver à l'université pour lui faire peur, le terroriser. L'autre, il ne l'avait jamais vu. Mais c'était peut-être un autre complice, un religieux dévoué à la même cause, et dont il faudrait aussi se méfier.

Les photos suivantes étaient des portraits de Marcella. Elle avait très bien joué son rôle de touriste devant la fontaine. Il avait fait plusieurs clichés. Ce serait de merveilleux souvenirs pensa-t-il quand elle ne serait plus à ses côtés. Elle ne resterait pas indéfiniment avec lui et regagnerait un jour son appartement de la via Santa Dorotea. Mais il n'arrivait pas à imaginer la vie sans elle. Sans cette jeune femme qui l'avait secouru un soir d'été. Il était bien avec elle. Ils s'entendaient à merveille. Marcella l'avait pris dans ses filets bien involontairement. Elle n'avait jamais cherché à lui plaire. Francesco ne voulait pas imaginer la vie d'après. Comme il ne voulait pas s'avouer qu'il était tombé amoureux. À bientôt 56 ans il savait qu'il ne pourrait pas la retenir, elle qui en avait à peine 40. 

Texte précédent:

Il avait flairé le danger

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier L'écriture au temps du corona: jour 4 initié par BricàBook. Il n'est pas libre de droit, la photo de Barna Kovacs, non plus.

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Les dimanches poétiques (256)

"Les Allemands et les Austro-Hongrois qui étaient en France le 3 août 1914, c'étaient autant d'hommes et de femmes qui passèrent instantanément du statut d'étrangers à celui d'ennemis. Et il y en avait des milliers éparpillés sur le territoire, assignés à résidence dans le meilleur des cas, tabassés dans le pire. Les trains étant réquisitionnés, ils ne pouvaient pas repartir vers l'Est. Qu'ils soient curistes ou courtiers, ouvriers ou touristes, qu'ils soient là pour le travail ou par amour, sans rien y pouvoir ils étaient tous bloqués, et si l'un deux s'était risqué à monter dans l'un des wagons chargés de militaires, il n'aurait pas survécu."

Serge JONCOUR in Chien-Loup (Ed. Flammarion - 2018)

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05/04/2020

Les dimanches poétiques (255)

"J'avais grimpé au coeur d'un arbre et je regardais, ébloui, la féerie du monde. Qui aurait pu se douter, face à tant de beauté, à l'intelligence si parfaite de toutes ces couleurs, à cette explosion de vie, que nous avions rendu en quelques années cette planète malade? Il y a cent mille ans, des hommes avaient regardé comme moi, peut-être perchés dans des arbres, ce spectacle grandiose. Etions-nous trop prétentieux, trop bêtes, pour dédaigner ainsi cette beauté, pour la saccager?"

René FREGNI in Dernier arrêt avant l'automne (Ed. Gallimard - 2019)

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