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13/01/2018

Persistance rétinienne

Oui, elle l'avait vu apparaître à la surface de son bol de soupe à la tomate mais Marcella ne savait pas du tout à quoi renvoyait ce CODE. Pourquoi était-ce si important? Elle ne comprenait rien à ce que lui racontait ce petit bonhomme ventripotent à la tonsure de moine. Il allait d'un mur à l'autre, les mains dans le dos, posant toujours les mêmes questions. Et Marcella faisait toujours la même réponse. Elle ne savait pas. L'interrogatoire ressemblait à ceux réalisés à l'époque par le KGB. Il n'avait juste pas encore commencé à la torturer.

Ce CODE pouvait être n'importe quoi. Un mot sur un papier, un rébus à déchiffrer, un air de musique, un assemblage de lettres... Elle essayait de se souvenir, de se rappeler ce que lui avait dit Berghetti, s'il n'y avait pas un sens caché dans ses dernières paroles lorsqu'ils s'étaient quittés en ressortant du palais pontifical. Rien. Marcella avait juste remarqué une ombre passer furtivement dans son regard, comme s'il était préoccupé. Puis, il l'avait embrassée sur les deux joues et était parti de son côté, visiblement pressé. Marcella, quant à elle, n'avait pas eu le temps d'atteindre l'arrêt de bus pour rentrer. Deux types aux corps bodybuildés, costumes et lunettes noires, s'étaient placés à ses côtés et l'avait entraînée dans une rue perpendiculaire à la Via della Conciliazione. Elle espérait que deux autres types n'étaient pas en embuscade attendant de mettre la main sur Berghetti.

La pièce était très sombre et Marcella avait beaucoup de mal à distinguer les traits du type qui l'interrogeait. Il lui demanda à nouveau ce qu'était le CODE. Elle fouilla une fois de plus sa mémoire sans succès jusqu'au moment où elle se remémora cette persistance rétinienne d'un papier aux drôles de caractères qui dépassait de la poche intérieure de la veste de Francesco. Un papier que Marcella n'avait pas remarqué auparavant, du moins pas avant qu'ils ne soient reçus par un conseiller du Saint Père. Qui lui avait donné? Pourquoi ne lui en avait-il pas parlé? Plus elle y pensait et plus elle se disait que ce papier était la clé, que le CODE y était caché. Et Marcella se mit à prier pour que Berghetti trouve quelqu'un pour le déchiffrer rapidement. Elle n'avait aucunement envie que son geôlier se serve des outils entreposés sur la table placée dans un coin de la pièce...

Texte précédent: Il n'en croyait pas ses yeux

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°290 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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02/01/2018

Opération secret-défense

- Vous êtes sûr, monsieur le Président?

- Oui, absolument. Il est temps d'agir. Demain il sera trop tard. Les dirigeants européens avec lesquels je me suis entretenu sont du même avis. Si l'on ne fait rien on court à la catastrophe. Je n'ose pas imaginer le désarroi des parents le matin du 25 décembre en voyant la mine sidérée de leurs enfants. Donnez l'ordre à vos troupes de se préparer.

- Bien, monsieur le Président. J'y vais de ce pas.

 

Le général Souris donna l'ordre aux colonels Rigueur, Honneur, Tempérance, Tact et Discrétion de rassembler hommes et matériels pour l'opération. Celle-ci aurait lieu dans la nuit du 24 au 25 décembre. Bien sûr elle était classée secret-défense. Les Français ne devaient se douter de rien, ne rien entendre, ne rien voir. Les camions et les jeeps seraient remplacés par des véhicules électriques et des milliers d'hommes seraient largués dans les airs pour atteindre plus facilement les toits.

Le colonel Rigueur se chargerait du nord-est de la France, le colonel Honneur du sud-est, le nord-ouest serait pour Tempérance, le colonel Discrétion aurait le sud-ouest et le colonel Tact superviserait l'opération dans toute l'Île de France. Les divisions se déploieraient après 22h et l'opération  débuterait à 23h pour prendre fin à 6h du matin.

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Au même instant, quelque part au fin fond de la Laponie, un vieil homme à la longue barbe blanche éternua pour la énième fois dans le fond de son lit. Il grelottait, son nez coulait. Les grogs préparés par ses lutins n'y faisaient rien. Pas même la poudre de perlimpinpin pourtant réputée soigner les coups de froid. Avoir travaillé comme un fou toute l'année et se retrouver cloué au lit trois jours avant Noël, c'était quand même pas de veine. Il ne pourrait pas visiter les enfants sages et cela le désolait.

Alors qu'il commençait à s'affaisser sur ses oreillers un lutin le secoua vivement et lui tendit une lettre qui venait d'arriver par chouette spéciale: "Ne vous inquiétez pas. Nous avons pris les choses en main." Elle était signée de la main du Président Macaron. Le vieux barbu n'en revenait pas.

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C'est ainsi que le 25 au matin la petite Bérénice découvrit avec des yeux émerveillés un joli poupon dans la boîte qui avait été déposée sous le sapin. Le jeune Lucas trouva sous l'arbre plusieurs BD de Tintin. Marinette serra fort le chat en peluche qui était arrivé miraculeusement par la cheminée. Et tous les enfants sages du pays ne se doutèrent pas un seul instant que le Père Noël n'avait pas fait sa tournée cette année...

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°289 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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18/12/2017

Il n'en croyait pas ses yeux

Pietro n'en croyait pas ses yeux. Il avait devant lui l'un des plus beaux textes rédigé en slavon liturgique. Il n'était même pas certain que la bibliothèque du Vatican renfermait un tel trésor, et pourtant elle comptait plus d'un chef-d'oeuvre sur ses étagères. Où Francesco Berghetti avait bien pu dénicher ce texte? Il lui avait apporté une heure auparavant, lui demandant de le traduire rapidement, et qu'il passerait le récupérer le lendemain avec la traduction.

Pietro ne perdit pas une minute. Il ajusta la lampe au-dessus du bureau afin que la lumière ne soit pas trop crue, chaussa ses lunettes puis, avec religiosité, s'avança pour ausculter avec attention le feuillet que Berghetti lui avait remis.

Ce texte faisait l'objet de rumeurs et alimentait beaucoup de légendes. Tout le monde en parlait mais personne ne l'avait jamais vu. Pietro lui-même avait longuement débattu avec des historiens pour savoir s'ils ne cherchaient pas une chimère. Ils avaient émis les thèses les plus folles quant à l'endroit où le feuillet se trouvait, si toutefois il n'avait pas été détruit, les églises ayant connu de nombreux pillages.

Durant sa carrière Pietro avait étudié beaucoup de textes, et encore plus depuis qu'il était directeur du département d'études slaves de l'Université de Bologne. Il avait exhumé des rayons des manuscrits en vieux slave, avait lu la moitié des ouvrages en cyrillique conservés dans la bibliothèque de la faculté, mais n'avait jamais vu à Bologne de texte en slavon, qui plus est liturgique. L'unique moment où il avait eu l'occasion d'en voir, et encore sur feuilles polycopiées, avait été lors de son année passée à Paris. Il avait alors fait beaucoup de versions et se débrouillait plutôt bien mais bien qu'il eut un très bon professeur à l'époque, l'un des meilleurs d'Europe, il ne lui faudrait pas moins de toute une nuit et d'une journée pour décortiquer le texte que Berghetti lui avait confié.

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°288 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits. La photo, prise par Leiloona, n'est pas libre de droits non plus.

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10/12/2017

Une procession de fourmis

L'avion mangeait peu à peu les passagers et les bagages. Le gros oiseau blanc déglutissait lentement ceux qui arrivaient en haut des marches. Des hommes en gilets fluorescents scrutaient la longue file qui cheminait sur le tarmac. On aurait dit une procession de fourmis qui s'en allaient de leur plein gré vers l'oiseau affamé.

Les agents fluorescents s'assuraient qu'aucune fourmi ne déviait de la file, qu'aucune n'allait tenter un geste insensé, ou bien faire demi-tour.  L'avion ne pouvait pas être retardé. Il n'était plus l'heure de regretter. Plus l'heure de se demander si elles avaient fait le bon choix. Le choix de tout quitter.

Quand Madalina et les siens avaient su qu'un avion serait affrété le lendemain ils avaient préparé immédiatement leurs valises. Fuir le pays était peut-être l'unique chance pour eux d'être à nouveau libres. Ils se terraient dans leur appartement depuis des mois, osant à peine sortir pour trouver de quoi manger. Le pays était affamé. Le moindre haussement de voix était réprimé. Sortir du pays leur permettrait de témoigner, de dire au monde entier que les droits de l'homme étaient bafoués, que la presse était muselée, que les écrivains étaient pourchassés, et que leur président se prenait pour le "génie des Carpates". Il fallait que tout cela cesse. Madalina saluait le courage de ces hommes qui avaient décidé de s'emparer d'un avion pour sauver une poignée de leurs compatriotes sachant que des milliers d'autres, telles des fourmis, seraient piétinés.  

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°287 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits. La photo, prise par Leiloona, n'est pas libre de droits non plus.

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06/03/2011

Les dimanches poétiques (39)

"La pensée vole et les mots vont à pied. Voilà tout le drame de l'écrivain."

Julian Green

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Printemps londonien