Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/08/2025

La machine à écrire #12

C'est la première fois que je vois cette cliente. Elle vient de s'asseoir à la table de Michel, un habitué. Il vient d'entrer dans le Café et il n'a pas l'air content. Il s'approche de la femme - une brune, la cinquantaine - et lui fait savoir qu'elle s'est assise à sa place. Elle lui explique qu'elle est entrée avant lui et qu'à ce moment-là la table était libre. Elle lui dit que pour une fois, il peut bien s'installer ailleurs, que ce ne sont pas les places libres qui manquent. Mais Michel, casquette de pêcheur vissée sur la tête, est un habitué qui passe ses journées assis à cette table depuis quinze ans; il ne veut rien savoir. Il ne veut pas en démordre et compte bien récupérer sa table. Le vieux loup de mer commence à siffler entre ses dents quelques noms d'oiseaux. 

La femme, ahurie par l'attitude du bonhomme, le traite de "vieux schnock" et de "sac à bière". Michel suffoque, rouge de colère. Aussi rouge que le tissu de sa vareuse. "Espèce de cruche bornée", tonne-t-il en levant le poing en direction de la cliente. Le vacarme de la dispute arrive jusqu'aux oreilles des clients installés en terrasse qui commencent à se retourner pour voir ce qui se passe à l'intérieur.

Voyant que le ton ne cesse de monter le patron finit par s'interposer et fait remarquer à la femme, prête à répliquer, qu'il y a sur la table un petit écriteau sur lequel est inscrit Réservé. La brune, furieuse et piquée, prend son sac à main et se rue à l'extérieur sans consommer. 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: décrire une dispute entre deux inconnus dans un café comme un observateur extérieur, ne se concentrant sur les actions et les dialogues sans entrer dans les pensées des personnages.

08/08/2025

La machine à écrire #11

La mer est étale et s'apprête à refluer. Un bateau avance à vive allure le long de la côte. Ses voiles blanches, gonflées par le vent, ressemblent à de petits ventres ronds. Son étrave, aux lignes racées, fend les flots fièrement. Il semble y avoir deux personnes à bord. Je les vois se déplacer sur le pont mais je n'arrive pas à distinguer si ce sont des hommes ou des femmes. De loin, ils ressemblent à des marins lambda. 

L'embarcation glisse avec grâce sur l'étendue couleur émeraude. Direction Saint-Cast-le-Guildo. 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: choisir une musique de film et écrire. Chaque phrase correspond à une valeur de plan. 

Un texte rédigé un écoutant la musique du film Braveheart réalisé par Mel Gibson.

05/08/2025

La machine à écrire #10

En tournant la tête pour lui dire "bonsoir" je le surprends à m'observer. Il répond à mon salut et sourit. Mon regard reste accroché au sien. Lequel de nous deux baissera les yeux le premier? Une fraction de seconde pendant laquelle mon coeur accélère. L'intensité est telle que je me sens vidée lorsque nos yeux se quittent. Vidée parce que je n'ai rien voulu lâcher et lui non plus. 

Pourquoi m'observait-il ainsi? S'est-il demandé si je l'avais reconnu? S'est-il demandé si je me souvenais de son coude dans mon dos, si je me souvenais de son coude dans mes côtes, si je me souvenais de la douleur ressentie? Lui rappelais-je un moment qu'il aurait préféré oublier? Qu'a-t-il éprouvé pendant cette fraction de seconde? 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: imaginer un moment d'une haute intensité émotionnelle qui, dans la réalité, ne dure certainement qu'une fraction de seconde.

01/08/2025

La machine à écrire #9

Je me revois assise, levant la tête vers cet homme. Je lui dis que j'ai mal. La scène se passe dans une salle de classe de l'école primaire. Ecole qui sera nommée quelques années plus tard Les Prunus. Il me répond que ce n'est rien et enchaîne sur autre chose. Il est assis derrière un bureau, rédige une ordonnance destinée à un ophtalmologue. Je suis comme dans un état second. Il me dit que c'est important, de bien donner l'ordonnance à mes parents pour qu'ils m'emmènent chez le spécialiste, pour corriger ma vue, mes yeux, ces "petites émeraudes". J'ai six ou sept ans. Peut-être huit. 

La lumière du jour me parvient du fond de la salle par de hautes et grandes fenêtres. Mon corps et moi faisons deux. Que s'est-il passé dans l'autre pièce? Que s'est-il passé dans cette bibliothèque transformée le temps d'une journée en cabinet médical? Les murs sont tapissés d'étagères pleines de livres. De la moquette recouvre le sol. L'endroit est feutré. La porte est fermée. 

Une enfant fait confiance à un médecin. Une main sur mon épaule gauche et puis une douleur. Et lui derrière moi. Je suis en petite tenue. Je ne pleure pas. Je ne dis rien. Je me tiens debout avec cette impression qu'on a violé mon intimité. Est-ce que mes petites camarades ont ressenti elles aussi cette désagréable sensation? 

Toujours assis derrière le bureau il tend l'ordonnance en espérant que la gamine de la campagne, certainement pas destinée à un grand avenir, dont les parents ne déménageront sûrement pas, ne comprenne pas ce qui s'est passé. En espérant que je ne me souvienne de rien. En espérant que la douleur ne persiste pas. En espérant que nos chemins ne se recroisent jamais. 

A-t-il oublié cette école aux briques rouges et aux huisseries blanches? M'a-t-il oubliée? Nous a-t-il oubliées? A-t-il cherché à savoir ce que j'étais devenue? Et lui qu'est-il devenu? A-t-il continué à travailler pour la médecine scolaire? A-t-il travaillé dans des établissements spécialisés accueillant des enfants? Peut-être qu'il était marié. Peut-être qu'il avait des enfants... N'a-t-il jamais eu honte? 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: penser à un décor de notre enfance. Un lieu qui a compté pour nous, un endroit, un espace chargé de souvenirs. Une fois ce décor trouvé, composer un récit au présent.

29/07/2025

La machine à écrire #8

Le bruit du ressac se propage. Les vagues frappent les roches noires qui encerclent la plage de l'Ecluse avant de venir mourir sur le sable. Le bouillonnement de l'eau s'amplifie. Le vent prend de la vitesse et s'engouffre maintenant dans les branches des arbres enracinés sur la pointe du Moulinet. Leurs feuilles jouent une musique sombre. La nuit se faufile. Les pleurs des goélands fendent l'air par intermittence. On dirait des enfants qui n'arrivent pas à s'endormir, inquiets de ce que l'obscurité charrie. Et toujours en fond sonore le bruit de l'eau, des rouleaux qui vont et viennent de plus en plus vite sous les assauts du vent.

J'entends des pas près de moi et des jappements. Je me retourne. Un homme et son chien, un Beagle, passent à quelques mètres. L'animal se colle à son maître, il semble avoir froid, pousse des petits cris plaintifs qui ressemblent à une supplique. Il voudrait rentrer.

Je les regarde s'éloigner. Les pas de l'homme résonnent sur la façade du Casino. Je quitte moi aussi la plage. Le bruit bourdonnant du vent devient insupportable. 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: choisir un tableau ou une photographie et travailler l'univers sonore uniquement.

écriture,littérature,écrivain,écrivaine,auteur,auteure,autrice,actu,actualité

04/05/2025

Les dimanches poétiques (363)

Ecrire, c'est comme craquer une allumette au coeur de la nuit en plein milieu d'un bois. Ce que vous comprenez alors, c'est combien il y a d'obscurité partout. 

La littérature ne sert pas à mieux voir. Elle sert seulement à mieux mesurer l'épaisseur de l'ombre.

William FAULKNER 

lecture,litterature,poesie,william faulkner,ecriture,ecrivain,ecrivaine,auteur,autrice,actu,actualité