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19/06/2020

L'univers m'envoie des signes

Il arrive que des choses reviennent régulièrement nous titiller dans le quotidien. Un nom, une ville, une fleur, un animal... déjà vu peu de temps auparavant, déjà rencontré... Et par moment les récurrences sont tellement flagrantes qu'on se dit que l'univers veut attirer notre attention précisément sur ça.

Je ne sais pas vous, mais moi j'ai tendance à chercher des explications à ces récurrences, à feuilleter toutes sortes d'ouvrages et à naviguer sur Internet pour trouver un sens. Ceci étant dit parfois il n'y a pas de sens  caché à déterminer. C'est autre chose, comme si l'univers nous incitait à réaliser un projet (un rêve) longtemps mis de côté.  Un projet qui tourne à bas bruit dans notre esprit, tapi dans un coin de notre cerveau, dont on ne sait pas par quel bout le prendre, faute de temps à lui consacrer et qui n'apparaît pas comme prioritaire.

Pour ma part cela tourne autour de l'écriture. L'univers m'envoie des signes depuis le début de l'année. La première fois fut au début du confinement. J'avais depuis longtemps dans ma PAL le livre de René Frégni "Dernier arrêt avant l'automne". Et je ne sais pas pourquoi, mon subconscient m'a poussé à le lire à ce moment-là. Il y est question d'un écrivain qui n'a pas d'idée pour un nouveau roman et qui accepte de devenir le gardien d'une abbaye désaffectée, d'abord pour gagner un peu d'argent, mais aussi pour tenter de retrouver l'inspiration, se remettre devant la page blanche. 

La deuxième fois fut vers la fin du confinement, avec les "Lettres à Dominique Rolin" rédigées par Philippe Sollers sur la période 1981-2008. Il y est beaucoup question d'écriture, du travail de longue haleine que cela représente, un texte qu'il faut sans cesse retravailler, qu'il faut se définir des temps d'écriture, des périodes consacrées seulement à ça. Cela m'a montré que même les plus grands écrivains suent sang et eau pour rédiger un ouvrage, que rien ne tombe tout cuit du ciel, qu'il faut se donner la peine et ne pas avoir peur de s'y mettre. Ne surtout pas se dire que l'on n'y arrivera jamais, et que notre texte est mauvais. Simplement se donner la peine d'aller jusqu'au bout, sans se juger, et qu'il sera toujours tant de corriger. 

J'avais commencé la réécriture de mon premier roman il y a quelques mois mais la tâche est fastidieuse et je n'ai malheureusement pas vraiment le temps de m'y consacrer; il y a toujours quelque chose d'autre à faire. Quand ce n'est pas le ménage c'est le repassage, ou bien c'est les courses. Et le boulot est tellement crevant que bien souvent je n'ai pas l'énergie pour m'y mettre, je n'arrive pas à me concentrer et les idées ne viennent pas. Et j'en suis malheureuse. Rien que pour ce post il m'a fallu l'écrire en plusieurs fois. Il aurait dû être publié fin mai et nous sommes le 19 juin.

Et pourtant je sens bien que l'univers me titille avec cette histoire d'écriture. Que faire? Je ne peux en aucun cas plaquer mon job mais je sens que je devrais davantage me consacrer à l'écriture. Des idées? Des suggestions?

25/05/2020

Lettres à Dominique Rolin (T2) - Ph. SOLLERS

L'écriture est tout: elle force, elle traverse, elle démasque, elle règle, elle gagne à tous les coups. Voilà ce qu'on fait, nous autres! Ils ne se doutent de rien, ou de pas grand-chose, ce qui est quand même stupéfiant. Ca se passe pourtant sous leurs yeux, en toute impunité, ou presque. De temps en temps, ils ont un doute... Vite effacé, ce serait trop énorme. Oui, oui, l'Ecriture avec un grand E, biblique!

Le thème de l'écriture est très présent dans les lettres de Philippe Sollers adressées à Dominique Rolin. On sent l'émulation entre ces deux jongleurs de mots, l'incroyable culture générale qui se dégage de ces missives, les encouragements de l'un envers l'autre, dans une bienveillance jamais feinte et où ne pointe jamais une once de compétition. Ils sont complémentaires, font vivre et grandir leur oeuvre mais aussi celle de l'être aimé. Et je me demande si chacun aurait pu accomplir un tel parcours d'écrivain sans leur rencontre? Parce que c'est avant tout une histoire d'amour qui se joue-là. Certes, il est beaucoup question d'écriture, mais elle n'aurait pas été la même sans cette admiration respective et cette passion amoureuse. Parce que c'était lui. Parce que c'était elle. Elle avait vingt ans de plus que lui et avait déjà eu plusieurs vie quand ils se sont rencontrés en 1958. Ils étaient fous. Et ils ont bien fait d'y croire.

On mesure au fil de la lecture l'attachement et la passion qu'il y a entre ces deux êtres. C'est beau, romanesque, un peu foutraque. Il y a beaucoup de néologismes et notamment des mots d'un code amoureux qu'ils se sont créés. Un code amoureux pour tromper les autres, car Philippe Sollers est marié depuis les années 60 à Julia Kristeva. Y avait-il un accord tacite entre eux dès le départ ? que sa relation avec Dominique Rolin n'était pas négociable? Pour les curieux, notons qu'ils ont co-écrit "Du mariage considéré comme un des beaux-arts". Mais je digresse!

Pour tout vous dire, je n'avais pas envie de quitter cet ouvrage. J'ai dû annoter quasiment toutes les pages et me suis prise à rêver d'une âme soeur avec laquelle j'aurais cette complicité d'écriture et de partage. Cette passion amoureuse sans pour autant être liés par les liens du mariage. Simplement liés par le corps et les mots... Et autant vous dire que je prévois de lire le premier tome qui rassemble une partie des lettres que l'auteur a envoyées sur la période 1958-1980 et bien sûr de lire celles que Dominique Rolin lui a adressées.

Lettres à Dominique Rolin 1981-2008 - Philippe SOLLERS - Ed. Gallimard - 2019

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20/05/2018

Une odeur âcre de papier froid et froissé

Baptiste regarda une deuxième fois dans le bac pour être bien sûr qu'il n'avait pas eu la berlue. Il y avait là toutes sortes de papiers: des livres de poche, des magazines, des brochures, de vieux annuaires, des carnets de notes... Tous jetés pêle-mêle dans ce container entreposé dans le garage. Baptiste n'y avait jamais vraiment porté attention. D'ailleurs il ne se rendait pas souvent dans le garage quand il venait à Combloux.

Pourquoi son père avait mis tout ça dans ce bac? C'aurait été plus simple de s'en débarrasser au fur et à mesure. S'en servait-il pour allumer le feu? Son paternel se fichait pas mal de la littérature et les bouquins ne l'intéressaient pas. Frison-Roche et Stendhal avaient peut-être crépité ensemble dans l'âtre...

Simon, pendant ses deux années d'études post-bac, avait entassé des centaines de bouquins dans sa chambre.  Lorsqu'il était décédé le père Vittoz avait décidé de tout garder puis, il en avait eu assez de vivre dans le passé. Les livres de Simon avaient disparu. Baptiste pensait que les ouvrages de son frère avaient été donnés.

Il se dégageait du container une odeur âcre de papier froid et froissé, d'encre en décomposition. Ca piquait les narines. Baptiste se détourna et rabaissa le couvercle.

S'il voulait vendre la maison rapidement il devait se dépêcher de la vider. Une armée de souris ne viendrait sûrement pas à bout de toutes ces pages. Il fallait trouver une solution plus efficace. Baptiste entreprit de tout brûler.

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°304 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits.

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08/05/2018

Comment était-ce possible?

Le vent fouettait la terre sans ménagement. La terre et son visage. Il avait du sable et de la poussière plein la bouche. Ses yeux étaient boursouflés, secs. Ils les ouvraient à grand peine. L'horizon lui apparaissait flou. Il n'aurait su dire dans quelle direction il allait. Etait-ce le Nord? Le Sud? Il avançait péniblement. Ses vêtements blancs étaient maintenant ocre.

Puis, un piquet, auquel on avait attaché un chiffon, se dressa devant lui. Il distingua d'autres bâtons du même acabit plantés plus loin. L'ensemble semblait délimiter une zone. Un terrain de jeu? Une piste d'atterrissage? Il cherchait des yeux une cabane, un semblant de vie, mais il n'y avait rien. Comment était-ce possible? Quelqu'un avait bien mis ces piquets en terre, attaché ces bouts de tissu... Il tomba à genoux, désespéré. Sa gourde était vide et il ne sentait plus ses poumons.

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°303 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits. La photo, de Vincent Hequet, n'est pas libre de droits non plus.

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15/04/2018

Son endroit préféré

Sarah aimait s'installer près de la grande baie vitrée pour bouquiner. C'était son endroit préféré. Le salon était pourtant confortable mais il ne possédait pas cette clarté. Lorsqu'elle avait acheté le chalet cette fenêtre n'existait pas. Pas plus que la bibliothèque d'ailleurs. C'était alors un grand cagibi dans lequel le père Vittoz rangeait ses conserves et qui lui servait aussi de débarras. Sarah avait jugé qu'il y avait assez de place dans le garage pour y stocker quelques provisions et tous ses produits ménagers. Elle avait donc décidé de le transformer. Elle voulait en faire une bibliothèque. Une petite alcôve entre la cuisine et la pièce à vivre.

Quand elle n'y ouvrait pas un livre elle aimait à s'y poster pour observer l'œuvre des saisons. En hiver elle aimait à regarder la neige redessiner les contours du paysage. Au printemps, Sarah guettait l'apparition des insectes et les premiers bourgeons. L'été, elle ouvrait la fenêtre. L'air projetait à l'intérieur du chalet une odeur d'herbe et de fleurs séchées. L'automne teintait l'horizon de marron. Chaque saison apportait de nouvelles sensations, la course des oiseaux, le ballet des papillons, le frémissement des fleurs les soirées d'été, une pluie drue de flocons...

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°300 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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01/04/2018

Elle ne s'était pas inquiétée

Le ronronnement des voitures de karting ne couvrait pas complètement le sifflement des avions qui s'élevaient dans le ciel. C'était infernal. Une après-midi là-bas et on était sourd toute la soirée. Milena avait tenu absolument à y aller ce jour-là, le jour où je lui avais fait ma demande. On avait pris des photos. Cela me fait bizarre de les regarder sans elle. Sourire noir et blanc sur ciel blanc. Elle était jolie dans sa robe écossaise sans manches.

C'est en faisant du rangement pour le déménagement que je suis tombé sur ce paquet de photos. Elle les avait mises dans une vieille boîte à chaussures qui prenait la poussière depuis des années sous l'armoire. Elle avait gardé tout ça pour conjurer la perte de mémoire, au cas où, en cas de maladie. Ca fait maintenant six mois qu'elle est partie. Et elle avait toute sa tête, sa mémoire était intacte. Elle pouvait citer le moindre détail de notre vie sans ressortir les photos. D'ailleurs, on n'en prenait plus beaucoup. Quelques unes pendant les vacances, l'été, avec les enfants. Quelques clichés à Noël quand le vieux barbu passait apporter les cadeaux. La dernière où l'on est tous les deux a été prise à nos cinquante ans de mariage. On ne savait pas trop si on allait les fêter. Elle était déjà malade. Ce putain de K avait déjà commencé à la bouffer, à la ronger, petit à petit, se repaissant de ses cellules pour en fabriquer de mauvaises.

Elle ne s'était pas inquiétée de perdre dix kilos en même pas trois mois. C'est la fatigue permanente qui l'avait poussée à consulter. Alerté par les symptômes le médecin lui avait prescrit un check-up complet. Le foyer primitif était logé dans les poumons. Les radios montraient par ailleurs des taches anormales sur les vertèbres. Deux métas osseuses. Une localisée en D4 et l'autre en D8.

La tumeur n'était "pas résécable". L'oncologue avait employé son jargon de médecin pour noyer le poisson. Et puis on lui avait demandé ce que voulait dire "pas résécable"... Je revois sa mine défaite, ses yeux baissés sur le dossier. Il avait fini par expliquer. On était sonnés, KO sur le ring. Putain d'uppercut! Restait la chimio à tenter, qui si elle n'éradiquait pas la maladie, permettrait de ralentir sa progression. Et on s'était battus. Ma Milena avait combattu comme une lionne, une mamma italienne qui tient la maison jusqu'au bout.

Y a tant d'amour, de souvenirs

Autour de toi, toi la mamma

Y a tant de larmes, et de sourires

A travers toi, toi la mamma...

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits. La photo, d'ursulamadariaga, n'est pas libre de droits non plus.

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18/03/2018

Sauter l'obstacle

Darren essayait d'accélérer mais ses poumons refusaient de lui fournir davantage d'oxygène pour un effort supplémentaire. La barrière en bas de la prairie se rapprochait et elle semblait de plus en plus haute à mesure qu'il avançait. L'animal était toujours sur ses talons. Il semblait même gagner en vitesse. Il était énorme, puissant, les muscles tendus, prêt à écraser l'homme qu'il poursuivait. Darren n'osait pas se retourner. La sueur coulait le long de son dos, imprégnant toutes les couches de vêtements qu'il avait enfilés.

Quelle idée de vouloir couper à travers champs pour rentrer chez lui?! La maison du vieux McLeod n'était qu'à deux kilomètres par la route. Non, franchement, quelle idée! Pourquoi n'avait-il pas emprunté le même chemin qu'à l'aller? Deux kilomètres, ce n'était rien du tout, et les routes par ici n'étaient pas trop fréquentées. Il se rendait compte maintenant que ç'aurait été moins dangereux que le champ.

Plus que vingt mètres...

A présent la barrière lui paraissait énorme. Il essaya de se souvenir comment il sautait par-dessus la petite barrière de bois de la maison de ses parents quand il était enfant. La petite barrière de bois que son père fermait toujours à clé pour l'empêcher d'aller se balader.

Les sabots du taureau martelaient le sol et faisaient vibrer la terre. Darren ressentait les vibrations dans ses mollets. Il était à bout de souffle et pensait s'écrouler avant de pouvoir franchir l'obstacle. Son cœur tapait si fort sous ses côtes...

Cinq mètres...

Le tout était de prendre de l'élan au bon moment. Prendre un bon appui, mettre les jambes à l'horizontale... L'obstacle franchi Darren continua à courir. L'animal avançait à une telle vitesse qu'il n'allait pas arrêter sa course comme ça. Il  était bien capable de voler lui aussi par-dessus la barrière. Mais après avoir parcouru dix mètres Darren entendit un grand fracas. Le taureau s'était encastré dans la barrière. La bête, écumante, beuglait de douleur et de rage. Darren ne se retourna pas. Il ne voulait pas voir l'ampleur des dégâts et continua à courir jusque chez lui.

Quelques semaines plus tard, alors qu'il lui rendait visite, le vieux McLeod lui raconta toute l'histoire de son plus beau taureau mort de folie. Il pensait que l'animal avait couru sans raison pendant des heures puis s'était encastré dans la barrière au bas de la prairie. Il l'avait découvert le lendemain matin, sans vie, avec des morceaux de bois fichés dans les chairs. Darren n'avait pas démenti les propos de son ami.

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°298 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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