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08/08/2025

La machine à écrire #11

La mer est étale et s'apprête à refluer. Un bateau avance à vive allure le long de la côte. Ses voiles blanches, gonflées par le vent, ressemblent à de petits ventres ronds. Son étrave, aux lignes racées, fend les flots fièrement. Il semble y avoir deux personnes à bord. Je les vois se déplacer sur le pont mais je n'arrive pas à distinguer si ce sont des hommes ou des femmes. De loin, ils ressemblent à des marins lambda. 

L'embarcation glisse avec grâce sur l'étendue couleur émeraude. Direction Saint-Cast-le-Guildo. 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: choisir une musique de film et écrire. Chaque phrase correspond à une valeur de plan. 

Un texte rédigé un écoutant la musique du film Braveheart réalisé par Mel Gibson.

05/08/2025

La machine à écrire #10

En tournant la tête pour lui dire "bonsoir" je le surprends à m'observer. Il répond à mon salut et sourit. Mon regard reste accroché au sien. Lequel de nous deux baissera les yeux le premier? Une fraction de seconde pendant laquelle mon coeur accélère. L'intensité est telle que je me sens vidée lorsque nos yeux se quittent. Vidée parce que je n'ai rien voulu lâcher et lui non plus. 

Pourquoi m'observait-il ainsi? S'est-il demandé si je l'avais reconnu? S'est-il demandé si je me souvenais de son coude dans mon dos, si je me souvenais de son coude dans mes côtes, si je me souvenais de la douleur ressentie? Lui rappelais-je un moment qu'il aurait préféré oublier? Qu'a-t-il éprouvé pendant cette fraction de seconde? 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: imaginer un moment d'une haute intensité émotionnelle qui, dans la réalité, ne dure certainement qu'une fraction de seconde.

01/08/2025

La machine à écrire #9

Je me revois assise, levant la tête vers cet homme. Je lui dis que j'ai mal. La scène se passe dans une salle de classe de l'école primaire. Ecole qui sera nommée quelques années plus tard Les Prunus. Il me répond que ce n'est rien et enchaîne sur autre chose. Il est assis derrière un bureau, rédige une ordonnance destinée à un ophtalmologue. Je suis comme dans un état second. Il me dit que c'est important, de bien donner l'ordonnance à mes parents pour qu'ils m'emmènent chez le spécialiste, pour corriger ma vue, mes yeux, ces "petites émeraudes". J'ai six ou sept ans. Peut-être huit. 

La lumière du jour me parvient du fond de la salle par de hautes et grandes fenêtres. Mon corps et moi faisons deux. Que s'est-il passé dans l'autre pièce? Que s'est-il passé dans cette bibliothèque transformée le temps d'une journée en cabinet médical? Les murs sont tapissés d'étagères pleines de livres. De la moquette recouvre le sol. L'endroit est feutré. La porte est fermée. 

Une enfant fait confiance à un médecin. Une main sur mon épaule gauche et puis une douleur. Et lui derrière moi. Je suis en petite tenue. Je ne pleure pas. Je ne dis rien. Je me tiens debout avec cette impression qu'on a violé mon intimité. Est-ce que mes petites camarades ont ressenti elles aussi cette désagréable sensation? 

Toujours assis derrière le bureau il tend l'ordonnance en espérant que la gamine de la campagne, certainement pas destinée à un grand avenir, dont les parents ne déménageront sûrement pas, ne comprenne pas ce qui s'est passé. En espérant que je ne me souvienne de rien. En espérant que la douleur ne persiste pas. En espérant que nos chemins ne se recroisent jamais. 

A-t-il oublié cette école aux briques rouges et aux huisseries blanches? M'a-t-il oubliée? Nous a-t-il oubliées? A-t-il cherché à savoir ce que j'étais devenue? Et lui qu'est-il devenu? A-t-il continué à travailler pour la médecine scolaire? A-t-il travaillé dans des établissements spécialisés accueillant des enfants? Peut-être qu'il était marié. Peut-être qu'il avait des enfants... N'a-t-il jamais eu honte? 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: penser à un décor de notre enfance. Un lieu qui a compté pour nous, un endroit, un espace chargé de souvenirs. Une fois ce décor trouvé, composer un récit au présent.

18/07/2025

La machine à écrire #5

Il a épuisé ses atouts. Tous ses atouts. Il est vrai qu'il n'en avait pas tant que ça. Je lui sors une dernière argutie dont j'ai le secret. Il capitule. Il abandonne, se détourne et va bouder dans son coin. Je sais qu'il reviendra quand il aura digéré sa défaite. C'est-à-dire dans quelques heures. La bouderie est une perte d'élan, une perte de vie, de précieuses secondes. Je le laisse aller dans sa tanière. Je retourne dans le bureau.

Assise, devant l'ordinateur, je réfléchis à cette dernière dispute. On en est là?! Une thérapie de couple serait peut-être nécessaire. Voilà que je surfe sur le Web à la recherche de thérapeutes. En voilà un qui habite à deux rues de chez nous. Les références sont sérieuses. J'appelle. Il ne sera pas difficile de convaincre Philip d'y aller. Il sait que nous en avons besoin. Cette situation ne peut pas durer. 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: rédiger un texte sans utiliser une lettre. Difficulté facile: la lettre "m". 

15/07/2025

La machine à écrire #4

Je suis svelte et j'ai une certaine classe. On me dit fine plume. Je m'exerce depuis longtemps.  J'allie légèreté et précision, me recharge facilement et m'adapte à tous les terrains. D'ébène et d'acier je sais me faire discret, me cache dans une poche ou m'enferme dans un écrin. Ma maîtresse me tient bien en main; je ne lui file pas entre les doigts.

Mais je sens que je suis fait pour d'autres aventures, pour d'autres vies. Si le coeur vous en dit, ma mise à prix aura lieu chez Drouot samedi prochain. L'enchère de départ est fixée à 29 000 euros. Pas mal pour un stylo Parker! Vous pensez que c'est cher... Mais sachez que j'ai appartenu à une princesse qui écrivit à des rois. 

Exercice tiré du n°4 de La Machine à Ecrire: rédiger une petite annonce pour vendre un stylo. Nous devons donner l'impression que ce stylo est spécial et convaincre le lecteur de l'acheter. 

25/02/2025

Complètement abasourdie

jeu-7[1].jpegPhilip Peterson avait donné rendez-vous à Victoria dans un bar de Soho. Un endroit assez éloigné de son bureau pour être sûr de ne pas rencontrer une connaissance. Un endroit également éloigné du bureau de Victoria. Elle non plus ne souhaitait pas être vue en compagnie de l'inspecteur.

C'était la première fois qu'elle mettait les pieds au Flat White. Le lieu faisait également office de galerie d'art. Des photographies très stylisées recouvraient les murs.

Elle trouva Peterson attablé devant un verre de blanc sec malgré l'heure matinale. Un signe qui lui laissa penser que ce qu'il avait à lui dire était important parce qu'habituellement il était plutôt du genre à prendre un café crème. Après lui avoir donné une cordiale et franche poignée de main elle s'installa sur la banquette à côté de lui. 

Ne sachant comment lui dévoiler le résultat de ses recherches il parla du temps, des températures plus clémentes, de l'arrivée du printemps puis, il lui demanda ce qu'elle souhaitait commander. Victoria choisit un café latte et des oeufs sur le plat avec du bacon. Elle avait l'estomac dans les talons. Elle avait juste avalé un thé sucré au miel avant de partir. L'inspecteur commanda la même chose mais préféra accommoder ses oeufs avec du saumon fumé.

Quand les assiettes furent posées sur la table Victoria - qui n'en pouvait plus d'attendre - lui demanda de but en blanc:

- "Alors inspecteur, des infos qui peuvent faire couler de l'encre?"

- "Euh... oui... enfin non... Disons, que c'est à propos de ce que vous m'avez demandé il y a six mois..."

- "Et? Vos recherches ont abouti?", articula-t-elle en avalant un morceau de bacon.

- "Bah... disons que oui... mais je sais pas si ça va vous plaire..."

- "Et bien, dites toujours. Je verrai si ça me plaît ou pas."

Quand Peterson eut fini de parler Victoria fut incapable de prononcer le moindre son. Elle ne voulait pas croire au récit qu'elle venait d'entendre et se demanda si l'inspecteur - secrètement amoureux d'elle - n'en avait pas rajouté. Il venait de lui révéler d'où provenaient les appels anonymes et elle était complètement abasourdie.

Ce texe a été rédigé pour le jeu n°7 du Blog à mille mains et la photo appartient à Gabrielle. Il n'est pas libre de droits. Texte publié initialement le 28 février 2012.

21/02/2025

La maison de l'amour

Philip et Victoria n'avaient pas déménagé pour officialiser leur liaison. Chacun avait gardé son appartement. Elle, adorait la vue qu'elle avait sur Kensington Gardens. Lui, aimait la proximité avec son bureau. C'est Victoria qui, la plupart du temps, se rendait chez Peterson. Elle ne voulait pas envenimer davantage les choses avec Peter. Moins il croisait Philip, mieux c'était. Il en voulait beaucoup à Victoria de l'avoir quitté pour Peterson, un type de cinq ans son aîné. Peter pensait qu'il n'avait rien à craindre d'un homme plus vieux que lui. Il avait été bien naïf de penser ça.

S'ils n'avaient pas changé leurs habitudes à Londres, Philip et Victoria avaient cependant eu un coup de foudre pour une maison à Brighton. Un week-end qu'ils se baladaient sur la côte, ils avaient vu une belle bâtisse blanche à vendre. Tous les deux avaient remarqué les bow windows et les nombreuses fenêtres qui laissaient présager une belle clarté à l'intérieur de la maison. Philip avait noté le numéro de téléphone inscrit sur la pancarte et ils avaient appelé le soir-même. Ils l'avaient visité le lendemain et avaient complètement craqué. Victoria voyait déjà comment la décorer. Philip avait exactement les mêmes goûts qu'elle. Cette maison leur ressemblerait et scellerait leur amour.

Ce texte a été écrit pour l'atelier d'écriture Une photo Des mots n° 240 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo (de Leiloona) n'est pas libre de droits non plus. Texte publié initialement sen novembre 2016. 

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