18/03/2018
Sauter l'obstacle
Darren essayait d'accélérer mais ses poumons refusaient de lui fournir davantage d'oxygène pour un effort supplémentaire. La barrière en bas de la prairie se rapprochait et elle semblait de plus en plus haute à mesure qu'il avançait. L'animal était toujours sur ses talons. Il semblait même gagner en vitesse. Il était énorme, puissant, les muscles tendus, prêt à écraser l'homme qu'il poursuivait. Darren n'osait pas se retourner. La sueur coulait le long de son dos, imprégnant toutes les couches de vêtements qu'il avait enfilés.
Quelle idée de vouloir couper à travers champs pour rentrer chez lui?! La maison du vieux McLeod n'était qu'à deux kilomètres par la route. Non, franchement, quelle idée! Pourquoi n'avait-il pas emprunté le même chemin qu'à l'aller? Deux kilomètres, ce n'était rien du tout, et les routes par ici n'étaient pas trop fréquentées. Il se rendait compte maintenant que ç'aurait été moins dangereux que le champ.
Plus que vingt mètres...
A présent la barrière lui paraissait énorme. Il essaya de se souvenir comment il sautait par-dessus la petite barrière de bois de la maison de ses parents quand il était enfant. La petite barrière de bois que son père fermait toujours à clé pour l'empêcher d'aller se balader.
Les sabots du taureau martelaient le sol et faisaient vibrer la terre. Darren ressentait les vibrations dans ses mollets. Il était à bout de souffle et pensait s'écrouler avant de pouvoir franchir l'obstacle. Son cœur tapait si fort sous ses côtes...
Cinq mètres...
Le tout était de prendre de l'élan au bon moment. Prendre un bon appui, mettre les jambes à l'horizontale... L'obstacle franchi Darren continua à courir. L'animal avançait à une telle vitesse qu'il n'allait pas arrêter sa course comme ça. Il était bien capable de voler lui aussi par-dessus la barrière. Mais après avoir parcouru dix mètres Darren entendit un grand fracas. Le taureau s'était encastré dans la barrière. La bête, écumante, beuglait de douleur et de rage. Darren ne se retourna pas. Il ne voulait pas voir l'ampleur des dégâts et continua à courir jusque chez lui.
Quelques semaines plus tard, alors qu'il lui rendait visite, le vieux McLeod lui raconta toute l'histoire de son plus beau taureau mort de folie. Il pensait que l'animal avait couru sans raison pendant des heures puis s'était encastré dans la barrière au bas de la prairie. Il l'avait découvert le lendemain matin, sans vie, avec des morceaux de bois fichés dans les chairs. Darren n'avait pas démenti les propos de son ami.
Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°298 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.
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Les dimanches en photo (102)
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14/03/2018
Le diable en personne - P. FARRIS
En pleine forêt de Géorgie du Sud, au milieu de nulle part, Maya échappe in extremis à une sauvage tentative d'assassinat. Dix-huit ans à peine, victime d'un vaste trafic de prostituées régi par le redoutable Mexico, elle avait eu le malheur de devenir la favorite du maire et de découvrir ainsi les sombres projets des hauts responsables de la ville. Son destin semblait scellé mais c'était sans compter sur Leonard Moye, un type solitaire et quelque peu excentrique, qui ne tolère personne sur ses terres et prend la jeune femme sous sa protection. Une troublante amitié naît alors entre ces deux êtres rongés par la colère.
La quatrième de couverture pose bien le décor et l'atmosphère de ce roman noir lu pour le Prix des lecteurs de l'Armitière. C'est sombre, les personnages sont en colère, voire enragés, n'obéissent qu'à leurs propres lois, mais on se prend d'affection pour eux. Maya et Leonard forment un tandem improbable. Ils vont s'observer, se jauger, et puis finalement s'apprivoiser et unir leurs forces pour combattre ceux qui veulent la peau de Maya. Elle n'a pas l'air très douée la petite prostituée mais elle a une mémoire exceptionnelle. Elle se souvient mot pour mot des propos qu'on lui tient et le maire a été un peu trop bavard. Alors forcément, elle gêne. Réussiront-ils à se débarrasser des sbires de Mexico et du bras droit du maire? Je vous laisse découvrir la fin de l'histoire.
Au début du roman je me suis demandé où Peter Farris voulait m'emmener, puis au bout du compte j'ai eu beaucoup de mal à lâcher le bouquin. On a envie de connaître la suite et on tourne les pages. L'intrigue est pas mal menée et le style se tient. Ce fut plutôt un bon moment de lecture même si, avouons-le, cette histoire est déjantée et sordide!
Le diable en personne - Peter FARRIS - Ed. Gallmeister - 2017
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13/03/2018
J'ai testé pour vous #12
Le marketing aura ma peau! Moi qui d'ordinaire ne boit pas de tisanes, eh bien j'ai succombé aux dernières créations Elephant. Le produit est présenté dans une jolie boîte verte dont les abribus étaient couverts il y a quelques semaines. Comment résister à "Mon moment zen"? Hein, je vous le demande? Quand on court du matin au soir, qu'on est crevé après sa journée, qu'on a besoin de se détendre... Quoi de mieux qu'une tisane à siroter blotti dans son canapé? Voilà, l'Eléphant a réussi à me ferrer, moi le petit poisson qui ne mord pas facilement à l'hameçon.
Le pire, c'est que j'ai aimé ça. Aromatisée à la lavande, à la fleur d'oranger, à l'orange et à la menthe, elle n'a rien à voir avec les tisanes que j'ai pu goûter jusque-là. Elle a un petit goût de "reviens-y". Du coup, au lieu de boire un thé vert le soir, je savoure ce moment zen... A noter que d'autres parfums sont disponibles dans des boîtes tout aussi jolies.
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12/03/2018
L'ordre du jour - E. VUILLARD
Il faut se souvenir qu'à cet instant la Blitzkrieg n'est rien. Elle n'est qu'un embouteillage de panzers. Elle n'est qu'une gigantesque panne de moteur sur les nationales autrichiennes, elle n'est rien d'autre que la fureur des hommes, un mot venu plus tard comme un coup de poker. Et ce qui étonne dans cette guerre, c'est la réussite inouïe du culot, dont on doit retenir une chose: le monde cède au bluff. Même le monde le plus sérieux, le plus rigide, même le vieil ordre, s'il ne cède jamais à l'exigence de justice, s'il ne plie jamais devant le peuple qui s'insurge, plie devant le bluff.
Je lis rarement les livres primés par le Goncourt mais cette année, concours de circonstances, une amie - à qui une amie l'avait prêté - m'a demandé si j'étais intéressée par cette lecture. J'avais entendu de bonnes critiques sur ce bouquin qui parle de la Seconde Guerre mondiale sous un angle pour le moins original. J'ai donc accepté la proposition. De plus, le livre étant assez court, cela me permettait de l'intercaler entre deux romans du Prix des lecteurs de l'Armitière.
Le livre de Vuillard est intéressant, il met en lumière un aspect peu évoqué du conflit de 39-45, à savoir la collusion entre les magnats des grosses entreprises allemandes et le 3ème Reich. La forme et le style - ciselé avec langage soutenu - m'ont convaincue. Sur le fond, même si je ne remets aucunement en cause ce qu'Eric Vuillard écrit, j'ai été un peu déçue. En effet, moi qui pensais qu'il allait parler de bout en bout du livre de façon explicite de ces patrons qui ont collaboré avec les Nazis, eh bien je suis restée sur ma faim. Il évoque certes une réunion où ils étaient tous présents au début et à la fin du bouquin, il convoque aussi quelques dignitaires européens qui auraient pu agir avant qu'il ne soit trop tard, mais le milieu du livre est surtout constitué du jour précédent l'Anschluss, du jour-même de l'Anschluss, et du lendemain. Il ne nous parle plus (ou presque plus) de ces gros bonnets qui ont fait passer en priorité leurs intérêts plutôt que ceux de leurs concitoyens.
Ceci étant dit, ce fut une lecture fort enrichissante et j'ai été séduite par cette plume. Donc malgré ma petite déconvenue, je vous conseille ce livre.
L'ordre du jour - Eric VUILLARD - Ed. Actes Sud - 2017
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11/03/2018
Il avait flairé le danger
Après trois semaines passées à Molfetta, Francesco et Marcella étaient retournés à Rçme. Cependant ni l'un ni l'autre n'avait réintégré son ancien logis. Berghetti était persuadé que leurs logements étaient surveillés et que leurs lignes téléphoniques avaient été placées sur écoute. Ils voulaient passer au travers des radars. Francesco avait changé de numéro de portable. Marcella n'utilisait plus le sien. Elle n'appelait pas Tiberio qui lui aussi était sûrement surveillé.
Le frère de Berghetti leur avait trouvé un appartement dans la via dei Sabini, à deux pas de la fontaine de Trevi. Un duplex récemment rénové, aux murs blancs, au mobilier design et à l'électroménager dernier cri. Il occupait les deux derniers étages de l'immeuble avec un accès privé à la terrasse. Marcella s'était installée dans la chambre du haut et Francesco avait choisi celle du bas, ce qui lui permettait d'avoir toujours un œil sur la porte d'entrée.
Ils sortaient toujours en plein jour avec lunettes de soleil et casquettes, et un appareil photo en bandoulière. Ils se faisaient passer pour des touristes. Francesco ne parlait pas. C'est Marcella qui s'adressait aux commerçants dans un mauvais italien entrecoupé de mots français. Mais elle en avait assez de se cacher. Elle voulait retourner chez elle, dans la via di Santa Dorotea. Francesco évoquait le danger pour la garder éloignée de Tiberio mais il avait remarqué que son humeur avait changé. Lui non plus ne pouvait pas rester indéfiniment caché. A la fac ses collègues devaient s'inquiéter. Il n'avait pas donné de nouvelles depuis des lustres. Et aurait-il le temps de leur en donner?
Alors qu'ils flânaient près de la fontaine de Trevi Francesco remarqua deux cols romains qui s'avançaient vers eux. Il saisit la main de Marcella. Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi il la tirait ainsi par le bras. Berghetti marchait de plus en plus vite. Il avait flairé le danger. Le prêtre à la casquette lui avait laissé un mauvais souvenir la dernière fois qu'il l'avait croisé. C'était à l'université. Il lui avait logé une balle dans le mollet. Francesco et Marcella se mêlèrent à un groupe de touristes faisant des selfies et prirent quelques clichés en surveillant discrètement les deux curés.
Textes précédents:
Il rêvassait devant la vitrine
Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°297 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.
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Les dimanches poétiques (220)
"Clachan Fells enregistre les plus importantes hauteurs de neige de la région mais ce n'est pas seulement ça. L'obscurité les suit. Elle vient tout recouvrir. Chaque jour elle mangera un peu plus de lumière jusqu'à ce qu'un matin, à leur réveil, ils s'aperçoivent que le soleil ne se lèvera plus. Stella a l'impression de se trouver au début de cette longue route et que tout le monde est parti. Le monde entier est gelé et il ne reste plus personne à part elle et les oiseaux tournoyant dans le ciel."
Jenni FAGAN Les buveurs de lumière
08:00 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, littérature, actu, actualité | Facebook |