06/03/2018
Les arbres arboraient déjà quelques bourgeons
Sarah n'irait pas à Osaka pour tenter de retrouver Alexandre, enfin Simon. Elle ne ferait pas cette folie. Elle avait décidé d'attendre. Elle espérait simplement une autre carte postale, lui confirmant qu'il était bien là-bas. D'ailleurs, où le chercherait-elle une fois rendue sur place? Osaka était une grande ville. Sarah ne parlait pas du tout le japonais et se débrouillait moyennement en anglais. Attendre était sans aucun doute la meilleure chose à faire même si Simon occupait constamment son esprit, la privant de ses mots pour mettre un point final à son roman.
A Combloux la neige avait fondu et laissé la place à une herbe détrempée et chétive. Le sol épongeait lentement l'eau. Le radoucissement s'était amorcé mi-mars, noircissant les montagnes à mesure que le manteau blanc partait. Il y avait eu quelques belles journées et les arbres en avaient profité. Ils arboraient déjà quelques bourgeons duveteux et doux comme de la soie. Sarah les caressait nonchalamment lors de ses balades vespérales sur le chemin qui montait derrière le chalet. Toby, lui, faisait le fou et s'écroulait de fatigue devant la cheminée quand ils rentraient. Ces promenades qui d'habitude lui apportaient l'inspiration l'emportaient davantage du côté du Japon que vers les personnages de sa fiction. Le dernier chapitre du livre lui donnait du fil à retordre. Elle avait beaucoup de mal à se concentrer, n'étant pas complètement à ce qu'elle faisait.
Simon lui donnerait-il de ses nouvelles prochainement? Reviendrait-il un jour en France? Elle avait tant de questions à lui poser. Elle voulait savoir pourquoi il avait fait un trait sur son passé et changé d'identité. Elle voulait comprendre et peut-être aussi l'aider. Même s'il essayait de ne rien laisser paraître, il avait paru torturé. Il n'avait pas fondé de famille, ne semblait pas aimer et être aimé. Elle voulait savoir ce qui s'était passé, l'obligeant à disparaître aux yeux de sa famille et à fuir son pays.
Textes précédents:
Mettre de la distance avec le passé
Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°296 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.
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04/03/2018
Les dimanches en photo (101)
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28/02/2018
Février en quelques mots #17
Bizarre cette prescription de morphiniques... // Partir au boulot sous la neige et rentrer sous le soleil // Faire cette fameuse prise de sang en espérant que la CRP ne s'envole pas // Un petit tour aux urgences // Epuisée et beaucoup de mal à récupérer // Essayer de se garder du temps pour avancer sur un projet d'écriture // La moitié de la France paralysée par la neige // "Ne jamais dire jamais, il y a toujours quelque chose à tenter" (Cette phrase des Choristes fait écho en moi...) // Numéro masqué plusieurs jours de suite... Mais pas de message... // Faire un cake aux fruits secs // Administrations, paperasse, coups de fils... Ca me bouffe mon énergie! // Promenade au pays d'Emma Bovary // Y penser. Beaucoup. Mais se dire que c'est sans issue... // Le beau Pierre un jour de soleil // Une deuxième bibliothèque (Ca devenait urgent!) // Tentée par ce concours d'écriture organisé par le magazine LiRE et Librinova // Des Kinder (Ferrero aura ma peau!) // La vie est une succession d'imprévus... (A quoi bon faire des projets?)
27/02/2018
Ce qu'on entend quand on écoute chanter les rivières - B. NORRIS
Je n'imagine pas une vie digne de ce nom qui ne s'enchevêtre pas à une autre comme le lierre. Le quotidien prend du relief et de l'importance quand on fait rire l'autre, quand on l'émeut, quand on crée à deux un motif plus riche. Pour moi, c'est la seule véritable beauté en ce monde.
Ce qu'on entend quand on écoute chanter les rivières est ma troisième lecture pour le Prix des lecteurs de l'Armitière. C'est un très beau premier roman. Barney Norris, jeune dramaturge anglais, nous emporte avec sa plume qui décrit merveilleusement les sentiments humains et les ressentis de plusieurs personnes qui vont se croiser lors d'un accident. Cinq personnes au total, impliquées à divers degrés, qui prennent chacune leur tour la parole dans des parties bien distinctes.
La première s'appelle Rita, une vieille dame fleuriste et vendeuse d'herbe à l'occasion, cabossée par la vie, au sens propre comme au sens figuré. Il y a ensuite Sam, jeune homme timide qui fait l'expérience des premiers émois amoureux. Vient ensuite un vieil homme dont la femme est morte à l'hôpital le jour-même de l'accident. Puis il y a cette femme de soldat, esseulée, au bord de la dépression, qui se bourre de cachets et qui s'en veut. Enfin, nous faisons la connaissance de Liam, un trentenaire qui a du mal à trouver sa place dans la vie.
Chaque personnage prend la parole et nous raconte sa vie avant ou après l'accident, nous raconte l'enchaînement des événements, ce qui l'a conduit à être là au moment du drame. Et l'auteur pointe avec subtilité les hasards et les coïncidences que nous réserve la vie. Il y a de très beaux passages. Un texte fort. A lire!
Ce qu'on entend quand on écoute chanter les rivières - Barney NORRIS - Ed. du Seuil - 2017
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25/02/2018
Les dimanches poétiques (219)
" Je sens que je suis prêt à partir, à me mettre en quête d'une autre vie, à prendre ma vie en main, à commencer pour de bon. Puis je me promène dans Lizzy Gardens, alors que le ciel s'ouvre comme une fleur et que le monde bleuit à la lueur de l'aube; je traverse les rideaux de bruine sous les arbres qui ont retenu la rosée entre leurs bras aimants toute la nuit et la reposent délicatement à l'arrivée du matin."
Barney NORRIS Ce qu'on entend quand on écoute chanter les rivières
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21/02/2018
Et vous avez eu beau temps? - Ph. DELERM
Un long silence. On est surpris soi-même à la fois de l'assurance et de la douceur cauteleuse avec laquelle on dit:" Nous allons vous laisser." C'est une personne âgée que l'on est venu visiter au cœur de l'après-midi, chez elle, ou bien à l'hôpital. Pas une très proche. Quelqu'un que l'ordinaire de la vie nous faisait rencontrer souvent, et qu'on ne voit plus depuis qu'elle a été chassée du jeu. On sait que ses journées sont tellement vides, désormais. Ce n'est pas tant la longueur de la visite qui compte. Plutôt l'idée qu'on est passé, instaurant dans son jour un amont et un aval.
Cela faisait assez longtemps que je n'avais pas lu un bouquin de Philippe Delerm. Et puis il était de passage à la librairie l'Armitière il y a quelques semaines pour présenter Et vous avez eu beau temps? alors je suis allée l'écouter. Et bien sûr je suis repartie avec le bouquin.
Il y démonte et décortique des petites phrases du quotidien qu'on prononce souvent machinalement, sans mesurer toute la perfidie qu'elles contiennent. Et c'est vrai, elles sont assez perfides, ces petites phrases, certaines même plus que d'autres.
Ainsi il nous parle des gens, du temps qui passe, des enfants qui grandissent, des bravaches et des vantards. Ca se lit par petits bouts, ça se laisse fondre sur la langue, un peu comme des bonbons acidulés. Ca pique un peu mais on aime ça et on en reprend.
Un moment de lecture sympathique pour les soirées au coin du feu ou à garder pour lire sur un banc à l'arrivée du printemps.
Et vous avez eu beau temps? - Philippe DELERM - Ed. du Seuil - 2018
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19/02/2018
Mettre de la distance avec le passé
Simon avait finalement embarqué pour Osaka. Après une escale en Egypte, le cargo avait fait route vers l'Orient. Pendant quinze jours il avait vécu au rythme des matelots avec en bruit de fond la mer et le grincement des conteneurs entassés sur le pont. Pourquoi avait-il fui ainsi? Voulait-il mettre davantage de distance avec son passé? Mettre davantage de distance entre lui et Combloux, entre lui et les Edelweiss, entre lui et Sarah? Il ne savait plus trop pourquoi il lui avait envoyé une carte de Gênes. Ils se connaissaient à peine. Et très mal. Mais il avait eu l'impression qu'elle le comprenait. Certes, il lui avait menti sur son identité et les raisons de sa présence à Combloux mais il pensait qu'elle avait lu en lui. Lorsqu'elle avait posé ses yeux sur lui il avait eu le sentiment qu'elle avait vu tout ce qu'il avait essayé de lui cacher.
Il marchait beaucoup dans la ville. Osaka fourmillait de vie et de rues plus étonnantes les unes que les autres. Il aimait ces petites échoppes de bois qui étaient légion dans le quartier qu'il s'était choisi. Elles proposaient de la nourriture à toute heure de la journée avec ces mêmes vendeurs à la gouaille perçante, pantins interchangeables qui travaillaient sans répit du lundi au dimanche. L'odeur de cuisine, mêlée à celle de l'asphalte, produisait quelque chose d'assez écoeurant. Pourtant, il n'était pas le dernier à y acheter quelque chose pour se caler le ventre. Comme les autres il s'installait sur les bancs adossés aux façades pour manger ces petits pains en forme d'escargot dont tout le monde raffolait, sa chevelure brune ne contrastant pas avec celle des autochtones. Il s'en dégageait une sombre clarté; un oxymore capillaire qui faisait des envieux.
Lorsqu'il n'arpentait pas la ville il restait à la pension et écrivait. Beaucoup. Il noircissait les pages à une vitesse folle. Il couchait sur le papier ce qu'il portait en lui depuis toutes ces années. Le moment était venu de se délester de ce fardeau. Et au fond de lui il savait à qui il enverrait son récit.
Textes précédents:
Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°295 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.
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