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10/12/2017

Une procession de fourmis

L'avion mangeait peu à peu les passagers et les bagages. Le gros oiseau blanc déglutissait lentement ceux qui arrivaient en haut des marches. Des hommes en gilets fluorescents scrutaient la longue file qui cheminait sur le tarmac. On aurait dit une procession de fourmis qui s'en allaient de leur plein gré vers l'oiseau affamé.

Les agents fluorescents s'assuraient qu'aucune fourmi ne déviait de la file, qu'aucune n'allait tenter un geste insensé, ou bien faire demi-tour.  L'avion ne pouvait pas être retardé. Il n'était plus l'heure de regretter. Plus l'heure de se demander si elles avaient fait le bon choix. Le choix de tout quitter.

Quand Madalina et les siens avaient su qu'un avion serait affrété le lendemain ils avaient préparé immédiatement leurs valises. Fuir le pays était peut-être l'unique chance pour eux d'être à nouveau libres. Ils se terraient dans leur appartement depuis des mois, osant à peine sortir pour trouver de quoi manger. Le pays était affamé. Le moindre haussement de voix était réprimé. Sortir du pays leur permettrait de témoigner, de dire au monde entier que les droits de l'homme étaient bafoués, que la presse était muselée, que les écrivains étaient pourchassés, et que leur président se prenait pour le "génie des Carpates". Il fallait que tout cela cesse. Madalina saluait le courage de ces hommes qui avaient décidé de s'emparer d'un avion pour sauver une poignée de leurs compatriotes sachant que des milliers d'autres, telles des fourmis, seraient piétinés.  

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°287 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits. La photo, prise par Leiloona, n'est pas libre de droits non plus.

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Les dimanches en photo (95)

photographies,voyages,paysages,actu,actualité

Lièvre chasseur

Œuvre de Serena Carone exposée au Musée de la chasse et de la nature jusqu'au 11 février 2018

06/12/2017

Un clafoutis aux tomates cerises - V de BURE

livres,lecture,littérature,véronique de bure,un clafoutis aux tomates cerises,actu,actualitéJe crois qu'avec l'âge je deviens de plus en plus égoïste. Je ne prends plus le temps de m'arrêter sur les peines de ceux qui ne sont pas moi. Peut-être parce que, du temps, il m'en reste si peu. Je me rends compte que beaucoup de choses me deviennent indifférentes. On dirait qu'à mesure que la vie se rétrécit le cœur se dessèche. Comme le reste, les sentiments s'usent. La colère se tempère, l'affection s'assoupit, la compassion s'étiole. Le bruit du monde ne nous parvient plus que de très loin, vague écho d'une vie qui ne nous concerne plus.

Je n'aurais sans doute jamais lu ce livre si on ne me l'avait pas prêté. Je ne connaissais pas l'auteur. Véronique de Bure n'en est pas à son coup d'essai. Elle a déjà écrit plusieurs ouvrages parmi lesquels Une confession (Stock 2009) et Un retraité (Stock 2011). Un clafoutis aux tomates cerises traite de la vieillesse - tout particulièrement du 4ème âge - et du temps qui passe.

Ainsi nous partageons le quotidien de Jeanne, nonagénaire qui vit encore toute seule dans sa maison à la campagne. Elle nous livre ses impressions sur les petits événements qui surviennent dans sa vie, celle de ses voisins, et celle de ses amis. Sous forme de journal intime qu'elle tient sur une année on découvre ses petits ennuis de santé, les péripéties de sa voisine Marcelle, les coups du sort qu'endurent ses amies, les mises en garde de ses enfants qui s'inquiètent beaucoup pour elle alors qu'elle, elle ne voit pas le danger. Elle fait quelques retours en arrière, nous parle de ses souvenirs de la guerre, évoque son mari et les débuts de son mariage.

Mais Jeanne trouve le temps long. Elle ne comprend plus grand chose de ce qui se passe aujourd'hui. Il y a certes les parties de bridge avec les copines, la messe le dimanche, la visite des enfants de temps en temps mais elle vieillit et les autres aussi. Plus le temps passe, plus elle enterre de monde. La voisine perd la boule, ses amies tombent malade... Bref, elle se demande combien de temps cela va-t-il encore durer.

Parler de la vieillesse n'est pas simple et l'angle choisi par l'auteur est original. Jeanne est une petite bonne femme attachante avec tous les tics et les problèmes d'une personne âgée. Elle a du mal à se mobiliser, quelques pertes de mémoire, des problèmes d'auditions. Un regard assez pertinent sur le 4ème âge qui peut permettre à de grands enfants de mieux comprendre leurs parents.

Un clafoutis aux tomates cerises - Véronique de BURE - Ed. Flammarion - 2017

05/12/2017

Best book of 2017

Si je ne dois retenir qu'un livre de 2017, c'est sans aucun doute Une trop bruyante solitude de Bohumil Hrabal. C'est triste à mourir mais tellement splendide. Un livre qui nous parle d'un homme qu'on ne voit pas, qui vit à la lisière de la société, qui travaille poétiquement dans un sous-sol à essayer de sauver des livres jetés au pilon. Un homme qui passe malheureusement trop de temps à ouvrir les bouquins et qui n'est pas assez rentable. On remplace sa presse par de plus grosses machines. C'est comme si lui aussi était jeté au rebut...

Je recommande vivement cet ouvrage à tous les amoureux des livres.

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04/12/2017

Instantané #1

Habituellement je décore le sapin trois ou quatre jours avant Noël mais cette année j'ai eu envie de l'installer plus tôt. Sans doute pour souffler un peu de magie sur ce début décembre trop gris...

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03/12/2017

Une douleur au coeur

Le soleil jouait avec les vitres de la serre qui ressemblait à une gaze concave taillée dans le verre et l'acier. La chaleur y était douce en ce début de printemps. Charles s'arrêta un instant. Les paupières closes, le sécateur dans la main droite, une rose dans la gauche, il goûta les rayons de l'astre qui se dispersaient en mille éclats à l'intérieur.

Il revît Hortense près du rosier duquel il avait détaché la fleur, vêtue d'une robe blanche aux dentelles fines et gracieuses.  Elle parlait et souriait à quelqu'un qu'il ne voyait pas. C'était il y a longtemps. Une éternité. De cette journée il avait conservé une douleur au cœur, celle d'une épine de rose, restée fichée dans l'organe qui préside aux sentiments. Et depuis ce jour Charles n'avait plus jamais ressenti cette sensation de battements qui s'accélèrent et résonnent jusque dans les tempes, cet émoi qui l'avait envahi lorsque la belle Hortense était apparue dans le jardin.

Aujourd'hui il était vieux. Le patron le rappellerait sans qu'il n'ait la possibilité de revoir Hortense. Les rosiers, eux, s'épanouissaient en attendant d'accueillir d'autres jeunes gens.

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n° 286 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits. La photo, d'Emma Jane Browne, n'est pas libre de droits non plus.

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Les dimanches poétiques (213)

"Tout doucement, mon petit monde se dépeuple. Autour de moi, les gens meurent et les maisons se vident. Les enfants ont leur vie ailleurs, et pour les vacances ils préfèrent les plages bondées au calme des champs de blé et au meuglement des charolaises. Il y a quelques années, c'étaient surtout les hommes qui partaient retrouver le bon Dieu. Depuis peu, les veuves commencent elles aussi à s'en aller."

Véronique de BURE Un clafoutis aux tomates cerises

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