Les dimanches poétiques (21)

- " Il n'est pas facile d'exprimer l'inexprimable, dit-il en riant. Holmes est, à mon goût, un bonhomme trop scientifique, c'est presque un être à sang froid. Je l'imagine très bien administrant à un ami une petite pincée du tout dernier alcaloïde végétal, non par méchanceté, comprenez-moi, mais par esprit de curiosité, afin d'avoir une idée exacte de ses effets. Pour lui rendre justice, je crois qu'il la prendrait lui-même avec un empressement identique. Il me paraît avoir la passion des connaissances exactes et définies."

Arthur CONAN DOYLE Une étude en rouge 

 

Les dimanches poétiques (20)

Sur le lac - Serge BOSCHER

Au centre de mon être il est un lac secret

Où glissent en silence aux reflets des ramures

Des cygnes-souvenirs dont la blanche parure

Eclate comme l'or sur un tapis discret.

L'ombre a terni les eaux que l'aurore nacrait.

Les cygnes fendent l'onde en noires échancrures.

Le bruissement du jour se fond en un murmure

Eteignant de son souffle un univers concret.

La nuit s'écrase enfin comme une pêche mûre

Sur le lac endormi qu'un crépuscule ocrait

A l'instant précédent de multiples dorures.

Mais à la place même où pour la nuit s'ancrait

Ma nef, un cygne mort étale sa blessure

Aux rais indifférents des astres indiscrets.

Les dimanches poétiques (19)

Vergers - Rainer Maria Rilke

Vues des Anges, les cimes des arbres peut-être

sont des racines, buvant les cieux;

et dans le sol, les profondes racines d'un hêtre

leur semblent des faîtes silencieux.

Pour eux, la terre, n'est-elle point transparente

en face d'un ciel, plein comme un corps?

Cette terre ardente, où se lamente

auprès des sources l'oubli des morts.

Les dimanches poétiques (18)

"Le fjord était prodigue, mais il réclamait parfois son tribut. Une barque s'attardait; sur la côte, l'attente commençait. Les heures, les jours passaient, l'espoir s'amenuisait. Alors, le fjord dévoilait sa face hideuse et pouvait s'abreuver aux larmes des veuves. La mère nourricière se faisait mangeuse d'hommes. Pourtant, les marins remettaient inlassablement les barques à l'eau."

Bruno d'HALLUIN Jon l'Islandais

Sur la côte d'Albâtre

Les dimanches poétiques (17)

Extrait de VITAM IMPENDERE AMORI publié dans "Alcools" - Guillaume Apollinaire

L'amour est mort entre tes bras

Te souviens-tu de sa rencontre

Il est mort tu la referas

Il s'en revient à ta rencontre

Encore un printemps de passé

Je songe à ce qu'il eut de tendre

Adieu saison qui finissez

Vous nous reviendrez aussi tendre

Green Park - London

Les dimanches poétiques (16)

"Cependant, les parchemins médiévaux étaient jalousement conservés par les Islandais, un petit peuple qui avait la réputation de vivre miséreux, blotti dans les trous d'une terre inhospitalière. On disait que leur pays était couvert de glace, et l'on y situait les portes de l'enfer, dans la bouche du plus furieux de ses volcans."

Bruno d'HALLUIN Jon l'Islandais

Islande

Les dimanches poétiques (15)

Mr Darcy à Elizabeth:

- "Tel ai-je été depuis mon enfance jusqu'à l'âge de 28 ans. Tel serais-je encore si je ne vous avais pas rencontrée, aimable et charmante Elizabeth. Que ne vous dois-je pas? Vous m'avez donné une leçon, dure sans doute, mais précieuse. Par vous j'ai été justement humilié. Je venais à vous, n'éprouvant aucun doute au sujet de l'accueil qui m'attendait. Vous m'avez montré combien mes prétentions étaient insuffisantes pour plaire à une femme qui avait le droit d'être difficile. (...)

- Mon but, répliqua Darcy, était de vous montrer, par toute la courtoisie dont j'étais capable, que je n'avais pas l'âme assez basse pour vous garder rancune du passé. J'espérais obtenir votre pardon et adoucir la mauvaise opinion que vous aviez de moi, en vous faisant voir que vos reproches avaient été pris en considération. A quel moment d'autres souhaits se sont-ils mêlés à cet espoir, je puis à peine le dire; mais je crois bien que ce fut moins d'une heure après vous avoir revue."

Jane AUSTEN Orgueil et préjugés

Tout près de Hyde Park...