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12/03/2018

L'ordre du jour - E. VUILLARD

livres,essai,littérature,éric vuillard,actu,actualité,goncourt,prix goncourtIl faut se souvenir qu'à cet instant la Blitzkrieg n'est rien. Elle n'est qu'un embouteillage de panzers. Elle n'est qu'une gigantesque panne de moteur sur les nationales autrichiennes, elle n'est rien d'autre que la fureur des hommes, un mot venu plus tard comme un coup de poker. Et ce qui étonne dans cette guerre, c'est la réussite inouïe du culot, dont on doit retenir une chose: le monde cède au bluff. Même le monde le plus sérieux, le plus rigide, même le vieil ordre, s'il ne cède jamais à l'exigence de justice, s'il ne plie jamais devant le peuple qui s'insurge, plie devant le bluff.

Je lis rarement les livres primés par le Goncourt mais cette année, concours de circonstances, une amie - à qui une amie l'avait prêté - m'a demandé si j'étais intéressée par cette lecture. J'avais entendu de bonnes critiques sur ce bouquin qui parle de la Seconde Guerre mondiale sous un angle pour le moins original. J'ai donc accepté la proposition. De plus, le livre étant assez court, cela me permettait de l'intercaler entre deux romans du Prix des lecteurs de l'Armitière.

Le livre de Vuillard est intéressant, il met en lumière un aspect peu évoqué du conflit de 39-45, à savoir la collusion entre les magnats des grosses entreprises allemandes et le 3ème Reich. La forme et le style - ciselé avec langage soutenu - m'ont convaincue. Sur le fond, même si je ne remets aucunement en cause ce qu'Eric Vuillard écrit, j'ai été un peu déçue. En effet, moi qui pensais qu'il allait parler de bout en bout du livre de façon explicite de ces patrons qui ont collaboré avec les Nazis, eh bien je suis restée sur ma faim. Il évoque certes une réunion où ils étaient tous présents au début et à la fin du bouquin, il convoque aussi quelques dignitaires européens qui auraient pu agir avant qu'il ne soit trop tard, mais le milieu du livre est surtout constitué du jour précédent l'Anschluss, du jour-même de l'Anschluss, et du lendemain. Il ne nous parle plus (ou presque plus) de ces gros bonnets qui ont fait passer en priorité leurs intérêts plutôt que ceux de leurs concitoyens.

Ceci étant dit, ce fut une lecture fort enrichissante et j'ai été séduite par cette plume. Donc malgré ma petite déconvenue, je vous conseille ce livre.

L'ordre du jour - Eric VUILLARD - Ed. Actes Sud - 2017

11/03/2018

Il avait flairé le danger

Après trois semaines passées à Molfetta, Francesco et Marcella étaient retournés à Rçme. Cependant ni l'un ni l'autre n'avait réintégré son ancien logis. Berghetti était persuadé que leurs logements étaient surveillés et que leurs lignes téléphoniques avaient été placées sur écoute. Ils voulaient passer au travers des radars. Francesco avait changé de numéro de portable. Marcella n'utilisait plus le sien. Elle n'appelait pas Tiberio qui lui aussi était sûrement surveillé.

Le frère de Berghetti leur avait trouvé un appartement dans la via dei Sabini, à deux pas de la fontaine de Trevi. Un duplex récemment rénové, aux murs blancs, au mobilier design et à l'électroménager dernier cri. Il occupait les deux derniers étages de l'immeuble avec un accès privé à la terrasse. Marcella s'était installée dans la chambre du haut et Francesco avait choisi celle du bas, ce qui lui permettait d'avoir toujours un œil sur la porte d'entrée.

Ils sortaient toujours en plein jour avec lunettes de soleil et casquettes, et un appareil photo en bandoulière. Ils se faisaient passer pour des touristes. Francesco ne parlait pas. C'est Marcella qui s'adressait aux commerçants dans un mauvais italien entrecoupé de mots français. Mais elle en avait assez de se cacher. Elle voulait retourner chez elle, dans la via di Santa Dorotea. Francesco évoquait le danger pour la garder éloignée de Tiberio mais il avait remarqué que son humeur avait changé. Lui non plus ne pouvait pas rester indéfiniment caché. A la fac ses collègues devaient s'inquiéter. Il n'avait pas donné de nouvelles depuis des lustres. Et aurait-il le temps de leur en donner?

Alors qu'ils flânaient près de la fontaine de Trevi Francesco remarqua deux cols romains qui s'avançaient vers eux. Il saisit la main de Marcella. Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi il la tirait ainsi par le bras. Berghetti marchait de plus en plus vite. Il avait flairé le danger. Le prêtre à la casquette lui avait laissé un mauvais souvenir la dernière fois qu'il l'avait croisé. C'était à l'université. Il lui avait logé une balle dans le mollet. Francesco et Marcella se mêlèrent à un groupe de touristes faisant des selfies et prirent quelques clichés en surveillant discrètement les deux curés.

Textes précédents:

Il n'en croyait pas ses yeux

Persistance rétinienne

Entre Bari et Barletta

Soleil Brûlant

Il rêvassait devant la vitrine

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°297 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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Les dimanches poétiques (220)

"Clachan Fells enregistre les plus importantes hauteurs de neige de la région mais ce n'est pas seulement ça. L'obscurité les suit. Elle vient tout recouvrir. Chaque jour elle mangera un peu plus de lumière jusqu'à ce qu'un matin, à leur réveil, ils s'aperçoivent que le soleil ne se lèvera plus. Stella a l'impression de se trouver au début de cette longue route et que tout le monde est parti. Le monde entier est gelé et il ne reste plus personne à part elle et les oiseaux tournoyant dans le ciel."

Jenni FAGAN Les buveurs de lumière

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06/03/2018

Les arbres arboraient déjà quelques bourgeons

Sarah n'irait pas à Osaka pour tenter de retrouver Alexandre, enfin Simon. Elle ne ferait pas cette folie. Elle avait décidé d'attendre. Elle espérait simplement une autre carte postale, lui confirmant qu'il était bien là-bas. D'ailleurs, où le chercherait-elle une fois rendue sur place? Osaka était une grande ville. Sarah ne parlait pas du tout le japonais et se débrouillait moyennement en anglais. Attendre était sans aucun doute la meilleure chose à faire même si Simon occupait constamment son esprit, la privant de ses mots pour mettre un point final à son roman.

A Combloux la neige avait fondu et laissé la place à une herbe détrempée et chétive. Le sol épongeait lentement l'eau. Le radoucissement s'était amorcé mi-mars, noircissant les montagnes à mesure que le manteau blanc partait. Il y avait eu quelques belles journées et les arbres en avaient profité. Ils arboraient déjà quelques bourgeons duveteux et doux comme de la soie. Sarah les caressait nonchalamment lors de ses balades vespérales sur le chemin qui montait derrière le chalet. Toby, lui, faisait le fou et s'écroulait de fatigue devant la cheminée quand ils rentraient. Ces promenades qui d'habitude lui apportaient l'inspiration l'emportaient davantage du côté du Japon que vers les personnages de sa fiction. Le dernier chapitre du livre lui donnait du fil à retordre. Elle avait beaucoup de mal à se concentrer, n'étant pas complètement à ce qu'elle faisait.

Simon lui donnerait-il de ses nouvelles prochainement? Reviendrait-il un jour en France? Elle avait tant de questions à lui poser. Elle voulait savoir pourquoi il avait fait un trait sur son passé et changé d'identité. Elle voulait comprendre et peut-être aussi l'aider. Même s'il essayait de ne rien laisser paraître, il avait paru torturé. Il n'avait pas fondé de famille, ne semblait pas aimer et être aimé. Elle voulait savoir ce qui s'était passé, l'obligeant à disparaître aux yeux de sa famille et à fuir son pays.

Textes précédents:

Il avait la mine grise

Une seule et même personne

Mettre de la distance avec le passé

Ce texte a été rédigé dans le cadre de l'atelier d'écriture Une photo, quelques mots n°296 initié par Leiloona. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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04/03/2018

Les dimanches en photo (101)

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