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20/10/2013

Les dimanches poétiques (114)

"Dieu lui-même ne jouait pas aux dés. Du haut de ses bureaux de lumière qui dominaient de très loin le casino de l'histoire, il se contentait de surveiller la partie. Il observait les joueurs, les croupiers, les demoiselles du vestiaire, les caissières, les prostituées, les grooms à la toque rouge, le carrousel des voitures qui déposaient sur les marches du palais les smokings et les robes du soir, les clochards à la porte, ceux qui gagnaient des fortunes et ceux qui se jetaient par la fenêtre. Le seul vainqueur, à la fin des fins, c'était lui. Faites vos jeux. Rien ne va plus. Après tant de tours et de détours, retour à la case départ: les parties terminées, le casino fermé, c'était l'éternité, l'infini, le néant et le vide. C'était Dieu."

Jean d'ORMESSON Le rapport Gabriel

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19/10/2013

Le rapport Gabriel - J. d'ORMESSON

images[4].jpgJ'avais ce livre depuis un moment dans mes étagères. Puis, je me suis dit qu'il était peut-être temps de le lire. J'ai eu du mal à le terminer. Ce n'est pas que le sujet me déplaisait, au contraire, mais j'avais d'autres préoccupations.

Comme souvent Jean d'Ormesson essaie d'imaginer un scénario original pour finalement nous raconter la même chose. Cette fois-ci Dieu est déçu par les humains. Non pas ceux qu'il a créés, mais leurs descendants. Il a même envie de détruire le monde car il ne les supporte plus.

Mais les archanges essaient de faire fléchir l'Eternel, et tout particulièrement l'ange Gabriel. Devant sa volonté à défendre les humains, Dieu lui commande alors d'aller sur Terre et d'établir un rapport avant qu'il ne prenne sa décision.

L'ange Gabriel ne se fait pas prier. Même si la vie sur Terre est mouvementée, il s'exécute et s'échoue sur une petite île grecque où se trouve Jean d'Ormesson. Celui-ci, obnubilé par Marie, une jeune femme qui l'a laissé tomber, n'a pas très envie qu'un ange vienne perturber sa retraite paisible. Cependant l'ange insiste, négocie et va finalement s'installer sur la petite île avec l'écrivain.

Si l'enjeu du roman est l'avenir de l'humanité, le sujet principal est tout de même la vie (les vies?) de Jean d'Ormesson. Il nous parle de ses parents, du château de ses grands-parents à Plessis-lez-Vaudreuil, de ses amours, de ses études puis, de sa carrière de diplomate et de son passage au Figaro. Tout ça bien sûr sans jamais se prendre vraiment au sérieux.

J'aime toujours autant l'érudition de l'auteur mais j'ai l'impression de lire toujours un peu la même chose. Même si c'est extrêmement bien écrit, j'aimerais parfois qu'il change radicalement de sujet, qu'il invente un truc fou, qu'il nous surprenne. Je sais qu'il en est capable et je regrette qu'il cède à la facilité.

Le rapport Gabriel - Jean d'ORMESSON - Ed. Gallimard - 1999  

22/09/2013

Les dimanches poétiques (111)

"Il y avait des amoureux sur la passerelle des Arts et sur tous les ponts de Paris, devant le palais des Doges et sur la piazza Navona, dans les jardins Boboli, sur les ramblas de Barcelone, sur les quais de New York. Il y avait des vieillards qui étaient revenus de tout, il y avait encore des jeunes gens qui n'en finissaient pas, grâce à Dieu, de tout attendre de l'avenir. Il y avait des cheminots, des physiciens, des éboueurs, des poètes, des assassins, des paresseux que le succès des autres suffisait à punir, des ambitieux que leurs propres succès ne parvenaient pas à combler."

Jean d'Ormesson Le rapport Gabriel (Ed. Gallimard - 1999)

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16/09/2013

Elle était devenue un joli papillon

Marcella avait une grâce extraordinaire et des yeux à faire fondre la terre entière. Divine! C'est ce que pensait Tiberio. Elle était la perfection incarnée; jolie, mais aussi douée d'un esprit logique d'une rare subtilité.

Elle n'avait pas des goûts de luxe et n'était pas obnubilée par le fric. Elle avait juste un foulard en soie que ses parents lui avaient offert à un Noël. Les yachts et les petits avions privés ne la faisaient pas rêver. Vraiment, elle détestait le clinquant, le bling-bling, enfin, tous les signes extérieurs de richesse. Il ne lui serait jamais venu à l'idée de mettre les pieds dans un casino ou d'envisager une destination paradisiaque pour ses vacances. Elle ne rêvait pas non plus de montres Cartier ou de bagues Repossi. Elle aimait la fantaisie et achetait des bijoux bon marché. Des boucles d'oreilles et des colliers de pacotille que les marchands glissaient dans des paquets en papier kraft. Elle s'était faite arnaquée une fois dans un magasin près du supermarché mais elle n'avait pas pour autant cessé d'acheté ce genre de bijoux.

Ses parents étaient des petits bourgeois de province avec des manies et des idées de petits bourgeois. Elle aurait pu s'habituer au luxe. Mais non. Au fil des années elle était devenue la rebelle de la famille, décidant un beau jour de quitter la maison familiale pour aller travailler à Rome et subvenir toute seule à ses besoins. Elle voulait voler de ses propres ailes. La jeune fille, prise dans une chrysalide immaculée, s'était transformée en un joli papillon. La métamorphose avait été extraordinaire. Un changement qu'aujourd'hui encore elle ne regrettait pas. Elle avait fait de fabuleuses rencontres à Rome depuis qu'elle s'y était installée et elle était devenue femme. 

Marcella était la conception que Tiberio se faisait de la femme avec laquelle il voulait faire sa vie. Elle était parfois un peu tempétueuse et il y avait bien quelques bourrasques entre eux mais quel couple ne connaît pas des tourments? Il envoyait dans les cordes ceux qui disaient que leur histoire ne tiendrait pas. Foutaises! pensait-il.

D'ailleurs, il avait prévu de fêter le premier anniversaire de leur rencontre. Une célébration qu'il voulait intimiste, juste elle et lui. Il savait qu'elle avait horreur des cotillons et qu'elle n'apprécierait pas une grande fête avec des amis. Pour cet anniversaire ils s'envoleraient vers Madère. Marcella avait parlé de cette île à plusieurs reprises et Tiberio était certain que cela lui plairait de visiter Funchal.

Ce texte a été rédigé pour les éditions 109 et 110 du jeu Des mots, une histoire initié par Olivia. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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08/09/2013

Les dimanches poétiques (110)

"Notre profession, plus que toutes les autres, nécessite le sens des relations humaines. Les hommes de loi peuvent se contenter de fréquenter d'autres hommes de loi, des juges. Un homme d'Eglise n'a trop souvent que des relations intimes très limitées avec ses ouailles, mais un médecin n'est rien s'il n'établit pas les rapports humains les plus intimes avec son patient. Ce n'est pas une tâche facile que de trouver un heureux équilibre entre bonté et sensiblerie; d'être ferme sans devenir tyrannique; de montrer de la compassion sans être taxé d'hypocrisie. Pensez à tout ce qui joue contre nous. Un homme malade est presque toujours grinchu. S'il a de la bile, il verra tout d'un oeil chagrin - passé, présent et avenir réunis sous un nuage jaunâtre. Si vous êtes joyeux, il vous accusera de manquer de compassion; si vous êtes mélancolique, il va croire qu'il est sur le point de mourir... Rappelez-vous que, pour un malade, votre visite est le grand événement de la journée; même un convalescent vous placera en deuxième position tout de suite après son repas. Vous ne devez donc jamais vous montrer indifférents ou négligents."

Extrait d'un discours de Joe Bell (médecin et professeur écossais) prononcé devant les étudiants en médecine inscrits pour le semestre d'hiver 1871.

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Le Dr Joe Bell

01/09/2013

Les dimanches poétiques (109)

"-Y tenez-vous vraiment, demanda Gabriel, à ce monde menacé? Ce n'est pas la peine de faire des pieds et des mains pour essayer de le sauver si vous ne l'aimez pas. Je me demande si, pour vous, les hommes, le monde est un bonheur ou une fatalité. Vous êtes tombés dedans sans l'avoir demandé. Pour votre bien? Pour votre mal? Est-il gai? Est-il triste?

- Très triste, lui répondis-je. Un désastre. Une horreur. La douleur est au coin de la rue. Tout ce que nous aimons s'en va. Nous sommes sûrs de mourir. Et très gai. Nous y tenons beaucoup. Il y a du lilas et des calembours. Les oiseaux chantent autour des vignes et dans les champs de lavande. Nous faisons des projets, des enfants, des chefs-d'oeuvre. Un jaillissement perpétuel. Je te l'ai déjà dit: le monde est une fête en larmes."

Jean d'Ormesson Le rapport Gabriel

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29/08/2013

Ils n'avaient cessé de regarder la mer

En faisant les cartons pour le déménagement Tiberio avait retrouvé une boîte qu'il avait héritée de son père. Elle contenait des photos et une coupure de journal faisant l'éloge d'un arrière-grand-père à la fois coureur des mers, diplomate et écrivain. Il avait parcouru la terre sous toutes les latitudes, avait sillonné les océans du nord au sud et croisé sous les tropiques et les parallèles. Il revenait en Italie pour mieux repartir vers d'autres contrées, d'autres découvertes.

Cette passion des voyages était née à Brindisi. De la maison familiale, ses frères et lui n'avaient cessé de regarder la mer qui s'étendait à leurs pieds et ça leur avait donné des idées. L'Adriatique était une porte sur des cultures nouvelles, sur des gens aux univers bien différents du leur et surtout, elle offrait le départ pour de magnifiques aventures extra-terrestre.

Cet arrière-grand-père, qui se prénommait Alessandro, n'avait rien d'un va-t-en-guerre. Il déplorait même le néant auquel certains territoires avaient été réduits sous le joug d'envahisseurs qui étaient arrivés un jour par bateau alors que leur premier objectif était de faire le tour du monde. Des colonisateurs qui se repéraient à des cartes astrales et qui faisaient souvent fausse route, mettant le pied là où on ne les attendait pas.

Alessandro, lui, voulait juste mesurer la grandeur du monde, visiter les pays qu'il voyait sur sa mappemonde. Une mappemonde en couleurs que Tiberio avait récupérée. Son arrière-grand-père était un sacré animal. Il avait rêvé d'un futur pluriel, de vies entrelacées où le bonheur et le partage s'égrèneraient au fil des vents. Mais après avoir baroudé pendant vingt ans, il était revenu s'établir à Brindisi, une ville macrocéphale qu'il avait eu peine à reconnaître.

La fin du voyage avait été peu glorieuse. Il avait dû emprunter de l'argent à ses frères pour survivre. Puis, il s'était vu proposer un poste de diplomate en Suisse après avoir raconté dans les soirées de la bonne société ses voyages au long cour. Passé maître dans l'art de promouvoir la culture italienne, on lui avait alors suggéré de postuler dans des cercles littéraires. Mais comme beaucoup d'hommes il avait négligé de répondre et avait continué sa route vers Venise. Il y rencontra Aurelia Medici, une jolie jeune femme fortunée qu'il ne tarda pas à épouser et qui lui donna trois enfants.

Texte original rédigé pour les Plumes à thème n°14 initiées par Asphodèle. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus. Le thème de cette édition était le"monde".

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