08/03/2023
La petite musique de Victoria
Le soleil avait fait son retour avec les premiers jours du printemps. Les fleurs commençaient à sortir de terre, Kensington se colorait d'un tendre vert et les Londoniens flânaient dans les rues. Toute la ville souriait à nouveau.
Victoria était ravie de l'arrivée des beaux jours. L'hiver avait été particulièrement froid et avait semblé ne jamais vouloir finir. Depuis mi-mars elle allait chaque samedi à Brompton Oratory à pied. Elle traversait le parc pour rejoindre Exhibition Road en saluant Peter Pan d'un petit geste de la main avant de remonter en longeant le Serpentine. Juste avant d'arriver au lac, elle entendait toujours quelqu'un jouer du violon. Le musicien jouait un morceau léger et mystérieux qui l'envoûtait. Cette petite musique tournait dans sa tête toute la journée et parfois tout le week-end.
Un samedi matin elle décida de ne pas aller jusqu'à Brompton Oratory. Elle voulait trouver ce violoniste qui chaque semaine l'envoûtait. Ce jour-là elle jeta à peine un coup d'oeil à la statue de Peter Pan et se dirigea vers le lac comme à l'accoutumée mais au lieu de continuer vers la colline, elle tourna à droite pour s'installer sur une pelouse. Elle s'assit sur un plaid qu'elle avait emporté ainsi qu'un livre. Au bout d'une trentaine de minutes, la petite musique résonna non loin de son point de chute. Elle remarqua un clochard installé sur un banc. Tout en faisant mine de lire, elle épiait son voisin. Il semblait être familier du lieu; chacune de ses possessions avait visiblement sa place. Il était pieds nus. Victoria en déduisit qu'il profitait du soleil pour réchauffer sa vieille carcasse. Ses cheveux étaient blancs, sa barbe épaisse et plutôt longue, ses mains noueuses et gonflées. Elle avait remarqué qu'il portait des lunettes mais elle était trop loin pour voir la couleur de ses yeux.
Ce qui intriguait le plus Victoria c'était l'incroyable talent du clochard pour faire vibrer les cordes de son violon. Elle pensa qu'il avait très certainement donné des concerts à une époque. Un musicien aussi doué avait dû tourner dans le monde entier et elle se demanda comment s'était produit ce revers de fortune.
Au bout d'une heure la musique cessa et Victoria se plongea sérieusement dans sa lecture. De ce fait elle ne remarqua pas que le clochard l'observait à son tour. Il avait un journal à la main qu'il avait ajusté devant son visage de façon à ce qu'elle le croit en train de lire. Au lieu de cela ses yeux erraient sur les cheveux châtains de la jeune femme, ses joues rosées et la moue de ses lèvres lorsqu'elle était concentrée sur son livre. Il la vit sourire à plusieurs reprises et se demanda quelle était sa lecture. Il aurait aimé aller lui parler mais il avait peur de l'effrayer et de ne pas la revoir car il l'attendait chaque samedi matin. Il guettait sa silhouette et ses cheveux bercés par la cadence de ses pas.
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05/03/2023
Les dimanches en photo (186)
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02/03/2023
Le vagabond de Kensington Gardens
6 janvier
Je fais toujours des plans sur la comète bien que je n'en sache pas beaucoup plus sur la vie de Victoria. Elle ne dit rien d'elle; elle est secrète. Pourtant son métier consiste à communiquer. Des infos sur le monde, certes, mais communiquer tout de même.
Je n'ai pas osé lui déclarer ma flamme lorsque je l'ai invitée à boire un verre avant les fêtes. Ses yeux brillaient comme deux étoiles ce soir-là. J'aurais peut-être dû me lancer avant qu'un Apollon ne vienne me couper l'herbe sous le pied. Les occasions de rencontrer quelqu'un ne manquent pas dans sa profession.
Je vais écrire une charade ce soir avec ma vieille plume sergent-major et je la glisserai dans sa boîte à lettres demain matin en allant acheter le pain. Pourvu qu'elle ne trouve pas cela farfelu et démodé. Il me vient de ces idées parfois!
20 janvier
J'ai croisé un vagabond ce matin dans Kensington Gardens qui m'a proposé des partitions pour violon. Il m'a expliqué qu'il n'avait plus la force de jouer et que ce qui l'importait actuellement c'était de manger à sa faim. Il m'a aussi proposé un vieux jeu de tarot pour 50 livres. Cela m'a paru bien en-deçà de la valeur d'un exemplaire datant de 1883. Je lui ai dit que je reviendrai samedi prochain car je n'avais pas la somme sur moi. Je vais mettre cette semaine à profit pour me renseigner sur la valeur exacte d'un tel jeu. Quelle histoire que je ne trouve pas dans tout Londres un antiquaire spécialiste des cartes pour une estimation.
27 janvier
Lorsque je suis allé à Kensington Gardens ce matin j'ai trouvé Jamie endormi sur son banc. Une bouteille de scotch bon marché était couchée sur le sol. Elle était vide. Mon bonhomme avait dû réussir à vendre quelques papiers dans la semaine pour s'acheter de quoi s'hydrater le gosier. Je l'ai laissé dormir.
Pendant ce temps-là j'ai inspecté ses affaires. Il y avait éparpillé autour du banc une pipe et un paquet de tabac entamé aux 2/3, un bâton d'une trentaine de centimètres qu'il a vraisemblablement taillé en pointe pour fouiller les poubelles et la terre, une paire de chaussettes qui n'a plus de couleur, un blouson blanc qui devait être à la mode dans les années 60 et une grande houppelande en laine qui a dû un jour être grise. Parmi les objets étranges une sarbacane en bois, un chapeau haut de forme noir et une canne épée au pommeau en argent. Son étui à violon ainsi que les partitions et les cartes étaient sous le banc, dissimulés sous un morceau de tissu.
Il s'est réveillé deux heures après mon arrivée mais avec ce qu'il avait ingurgité il aurait très bien pu se réveiller qu'à l'équinoxe de printemps. Il a eu un peu de mal à se remémorer notre conversation de la semaine passée puis il m'a demandé si le prix me convenait toujours. Je lui ai donné l'enveloppe que j'avais apportée avec la somme que m'avait indiqué un antiquaire de Portobello Road, à savoir 130 livres. Une petite fortune pour Jamie qui pourra peut-être garder quelques partitions s'il souhaite se remettre au violon.
Ce texte a été rédigé dans le cadre de la 38ème édition du jeu "Des mots, une histoire" initié par Olivia du blog Désir d'Histoires. Il n'est pas libre de droits. La photo non plus.
Kensington Gardens
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28/02/2023
Février en quelques mots #77
Est-ce qu'on aurait oublié de me dire quelque chose? // Des coups d'épée dans l'eau // Toujours prête à me lever tôt pour faire des conneries // Cette photo vaut de l'or // Mais je n'en ferai rien (Si ce n'est l'imprimer!) // Chats en maraude // Ce soleil qui fait tellement de bien // Âme jumelle? // Ou bien il y a autre chose... // Faudrait peut-être que je me décide à réserver pour les vacances fin février! // Une mer d'huile et un ciel bleu d'une rare beauté. Ecouter le silence. Se ressourcer // Chercher un fantôme // Pourquoi moi?... (That's the question that beats in my brain like a hammer!) // Des impressions qui me reviennent d'un voyage scolaire effectué quand j'étais au collège. Des paroles prononcées par ma prof d'histoire-géo... // Un petit tour chez l'ophtalmo // Aller au marché de Dieppe un jour de manif. Même pas peur! // Cette tarte aux myrtilles... Hmmm!!! // Mon bonheur en voyant des perce-neige un dimanche après-midi // Préparer la valise // Je me suis enfin inscrite sur LinkedIn. Un vrai potentiel ce réseau // Queen Mum a tiqué quand je lui ai proposé d'aller là-bas fin décembre. Elle a tiqué pas comme d'habitude... // Qualité ou défaut j'enregistre la moindre différence dans l'intonation de la voix, la moindre différence dans l'expression du visage, dans la posture // Pareil que dans la rue, j'ai senti comme des vibrations dans l'air, et cette impression d'être dans une bulle // Valoche bouclée! // Sur les pas des rois de France à Blois // Avoir l'esprit cartésien et malgré tout croire en quelque chose qui nous dépasse. (Mettre brûler un cierge et adresser une prière à Saint Antoine de Padoue.) // Halte à Amboise // Déambuler dans la Cité royale de Loches et ne croiser presque personne // À Montrésor, vestiges du passé d'exilés polonais // Goûter les rillons // Et dire que ce jour-là j'aurais dû être à Lille // Parfois les planètes s'alignent...
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26/02/2023
Les dimanches poétiques (307)
"Pourquoi va-t-on vers des livres comme on va vers des gens? Pourquoi sommes-nous attirés par des couvertures comme nous le sommes par un regard, une voix qui nous paraît familière, déjà entendue, une voix qui nous détourne de notre chemin, nous fait lever les yeux, attire notre attention et va peut-être changer le cours de notre existence?"
Valérie PERRIN in Changer l'eau des fleurs (Ed. Le Livre de Poche - 2020)
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19/02/2023
Les dimanches en photo (185)
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12/02/2023
A chaque fois plus triste
Marcella s’était rendue plusieurs fois à Venise dans l’espoir de trouver Tiberio. Entreprise insensée. S’il avait vraiment voulu qu’elle le retrouve il lui aurait envoyé des indices, aurait semé des petits cailloux ici et là, l’aurait mise sur la voie. Elle n’avait que le souvenir des maisons sur la photo que Gianni lui avait transmise. Elle essaya de se rappeler où elles pouvaient se situer dans le quartier que Tiberio avait évoqué un soir d’été.
La première fois que Marcella était retournée seule à Venise, elle n’avait pas su par où commencer. Elle avait donc décidé de s’imprégner de l’ambiance du quartier, de noter dans sa tête les boutiques qui y étaient installées. Elle avait scruté les visages des passants qu’elle croisait, avait ausculté chaque silhouette dans l’espoir de reconnaître un corps familier. Puis, elle avait trouvé l’endroit dont Tiberio avait parlé. Quatre immeubles le long du Rio dei Bareteri. Elle n’avait pas osé trop s’attarder devant, craignant le regard des habitants.
Elle ne voulait rien précipiter non plus car elle sentait au fond d’elle un peu de colère et que la colère est toujours mauvaise conseillère. Elle avait le sentiment que Tiberio l’avait abandonnée. Avait-elle dit ou fait quelque chose qui l’aurait poussé à disparaître? Cette question tournait en boucle dans sa tête. Il n’avait en tout cas rien laissé paraître.
La deuxième fois qu’elle s’était rendue à Venise, elle s’était attardée devant les quatre bâtiments. Elle avait regardé le nom sur les boîtes à lettres mais aucun nom ne correspondait à celui de Tiberio. Au n°6 il n’y avait même pas de noms, simplement le numéro des étages inscrit sur chaque boîte. Il n’y avait pas de sonnette non plus. Sur la boîte du rez-de-chaussée était également inscrit “Etage 0” en plus de l’acronyme “RDC”. Qui pouvait confondre le rez-de-chaussée avec le premier étage? En Angleterre cela aurait été possible, mais pas en Italie. Marcella trouva cela inapproprié.
Le temps était maussade le jour où elle y était allée. Elle était un peu plus apaisée mais elle n’avait pas vraiment avancé. Le temps lui manquait pour chercher. Elle avait confié Flavio à ses grands-parents et avait promis qu’elle serait de retour rapidement. Elle avait dû se résoudre à renoncer. Il fallait rentrer. Sur le chemin du retour une vague de tristesse l’avait submergée. Elle avait pleuré. Être si près du but et ne pouvoir le toucher…
La troisième fois qu’elle s’y était rendue, la journée était splendide. Le ciel était d’une rare beauté et l’eau de la lagune avait des teintes bleu irisé. Elle n’avait pas rejoint le quartier tout de suite, préférant flâner un peu le long du Grand Canal. Puis, à nouveau, elle s’était dirigée vers les quatre immeubles repérés. Elle les avait contournés pour arriver cette fois-ci de l’autre côté. Mais pas de miracle, rien n’avait changé. Aucun indice supplémentaire. Aucune silhouette familière. Elle ne l’avait pas trouvé.
Marcella était rentrée à Rome encore plus triste que la fois précédente et se demanda si elle ne devait pas faire une croix sur la cité des Doges, renoncer définitivement à y aller. Ou bien devait-elle simplement éviter ce quartier? Savoir que Tiberio pouvait s’y balader était douloureux rien que d’y penser. Savoir qu’il était vivant et qu’elle ne pouvait pas lui parler…
Se sentant diminué Tiberio avait-il voulu la protéger, la laisser vivre sa vie sans soucis? Ou bien ne supportait-il pas qu’elle le voit affaibli, les traits tirés par la maladie? Elle aurait aimé lui dire que la maladie et la mort font partie de la vie, qu’ils se seraient battus ensemble, qu’il y aurait eu des moments de répit. Ils se seraient tenu lieu de tout et auraient compté pour rien le reste.
Une autre hypothèse avait cependant germé depuis peu dans son esprit. Marcella trouvait que Tiberio ressemblait beaucoup à un de ses oncles mort accidentellement pendant la guerre d’Algérie. Elle avait trouvé quelques photos de lui dans un vieil album chez ses parents. C’était en fait un demi-frère de son père. On lui en avait peu parlé. Il n’y avait que sa grand-mère qui l’évoquait avec des gens qu’elle connaissait. Lorsque le corps avait été rapatrié en France le cercueil était scellé. Et si cet oncle n’avait pas été tué? S’il avait changé d’identité? S’il avait eu des enfants?
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