14/07/2012
La langue de l'autre
Elle dénoua le ruban qui retenait les lettres qu'elle avait conservées dans un petit coffret rococo et les jeta dans la cheminée avec quelques regrets. Tout son être se rebellait. Ses confrères avaient franchi le rubicond, leur conduite était impardonnable. Les flammes léchaient le papier comme les vagues le rivage. Bientôt il ne resterait plus rien de leur correspondance. La rumeur avait été plus forte qu'eux. Ce foutu rouleau compresseur de jalousie et de haine avait eu raison de leur attachement.
A dire vrai ils n'avaient pas besoin de se parler ni de s'écrire pour se comprendre. Ils avaient appris la langue de l'autre: les mots devenaient des codes, les intonations des clés. Les autres étaient verts de rage, ne comprenant rien à leur langage.
Ils s'étaient rencontrés en décembre. C'est Victoria qui avait fait le premier pas. Elle lui avait parlé de la couleur de sa cravate, de roses et de chevaliers russes. Elle roucoulait. Lui écoutait sans rien dire.
Mais leur relation n'avait pas été sans heurts. Il y avait eu quelques ratures. Victoria ne pouvait s'empêcher de dire le fond de sa pensée, le blessant parfois. Elle s'en voulait un peu de le malmener mais préférait la vérité - fusse-t-elle difficile à entendre - plutôt que des encouragements hypocrites. Elle râlait souvent et il la trouvait parfois rasoire.
Lui ce n'était pas vraiment un rigolo mais Victoria aimait les hommes au caractère bien trempé. C'était un adepte du rodéo fier de montrer sa récolte de trophées. Un autre de ses dadas était la chasse au ragondin. Dans son village ils en faisaient du pâté. Victoria avait pris un air dégoûté quand il lui avait raconté. A-t-on idée de faire du pâté avec un animal aussi peu ragoûtant?
Texte écrit dans le cadre du jeu Les plumes de l'été (R) initié par Asphodèle. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.
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07/06/2012
Une sacrée bonne idée
Rosie ne pouvait pas emporter tous les livres qu'elle avait accumulés pendant tout le temps passé à Lusaka. Elle cherchait comment s'en débarrasser. La solution était de les donner à la bibliothèque de la Communauté Saint Lawrence mais les étagères étaient déjà pleines à craquer et ils en avaient en double. Elle ne pouvait pas décemment consacrer un de ses bagages aux seuls ouvrages. C'était pure folie. Elle n'aurait de toute façon pas la place de les stocker chez elle à Bristol. Son appartement était petit et les livres tapissaient déjà les murs de plusieurs pièces. Ses élèves lui en prendraient peut-être quelques uns mais c'était peu sur la totalité. Elle ne se voyait pas jeter le reste.
Puis, une idée lui vint. Le père de l'un des petits auxquels elle donnait des cours ne savait pas quoi faire de ses journées. Elle allait lui donner du travail. Rosie la bonne fée allait faire cadeau de ses livres à Mumba et lui assurer ainsi un revenu pour nourrir les siens. S'il choisissait un emplacement judicieux au coeur de la ville, il aurait des clients, ça ne faisait aucun doute. Les jeunes étaient avides de connaissances. Ils étaient de plus en plus nombreux à franchir les portes de l'université. Oui, c'était une sacrée bonne idée qu'elle avait là.
Ce texte a été rédigé pour le jeu n°8 du Blog à 1000 mains. Il n'est pas libre de droits, tout comme la photo prise par Chouyo.
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18/03/2011
Bye-bye Zambia
Elle avait toujours l'habitude de signer Best love Rosie et elle n'avait pas fait exception sur la dernière carte qu'elle m'avait envoyée, postée de Zambie où elle enseignait l'anglais à Dix petits nègres depuis trois ans. Des enfants adorables qu'elle allait quitter à regrets à la fin de l'année. La Britsh High Commission ne prolongeait pas son contrat. Dans son coeur, Raison et sentiments se mêlaient. Rosie savait qu'elle ne pouvait pas rester mais elle était triste de devoir quitter ce pays magnifique où il y avait encore tant à faire et à donner. C'est ce qu'elle avait confié A Mélie, sans mélo un jour qu'elle l'avait appelée pour prendre des nouvelles des copines restées à Bristol.
En fait elle ne pouvait pas rester parce que le directeur ne souhaitait pas qu'elle restât plus longtemps à la communauté Saint Lawrence. "Poirot joue le jeu de l'administration", avait-elle dit à Mélie en s'emportant. Le directeur zélé ne lui avait pas fait de cadeaux pendant sa mission. Difficile de mettre en place de nouveaux moyens pédagogiques. A croire que les nouvelles technologies n'étaient réservées qu'aux enfants d'expatriés fréquentant les écoles privées conçues par eux et pour eux.
Ce texte a été rédigé avec les titres des livres que j'ai lus en février. Il n'est pas libre de droits. La photo non plus.
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07/02/2011
Un roman à Londres
Le nez rivé sur le "double-decker" accroché au mur, je me demande quand je pourrai retourner à Londres. Cela semble compromis cette année. Je rêve pourtant de me balader dans Kensington Gardens, de faire un petit tour dans Green Park, d'aller acheter du fudge chez Harrods, de visiter le National History Museum et le V&A Museum, d'aller dire bonjour à Big Ben, de découvrir les docks et de me promener à Clapham.
Puis, prendre des notes dans un carnet acheté chez Daunt Books dans Marylebone Highstreet. Observer les gens, l'architecture... Tout consigner pour une future histoire.
Et ensuite, installée dans une chambre d'hôtel, imaginer un scénario, des personnages et des rebondissements pour les offrir aux lecteurs.
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31/03/2010
Revoir Big Ben
Elle en avait assez de l'attendre. Dans sa petite valise à roulettes, elle glissa quelques vêtements, ses produits de beauté, sa trousse de toilette, deux paires de chaussures, les chargeurs du téléphone portable et de l'appareil photos et son livre préféré. Elle pourrait attraper le dernier vol pour Londres. Finalement, les Italiens, ce n'était pas pour elle. Pas plus que l'Italie. Elle avait hâte de revoir Big Ben, la Tamise et le Parc de Clapham où elle avait tant joué dans son enfance avec ses frères, David et Peter.
Il faisait très chaud dans la rue Mezzogiorno. Cécilia fila très vite d'un bout à l'autre en humant l'odeur de lavande qui se dégageait du sol. Les commerçants venaient de lessiver leurs pas de porte. Elle fit signe à un taxi de s'arrêter. Deux heures plus tard elle embarquait pour l'Angleterre.
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02/02/2010
Je vis un clown triste
Je suis arrivée toute dégoulinante sur le palier. J'hésitai à entrer. Mon imperméable dégouttait sur le plancher, mon brushing ne ressemblait plus à rien, le Rimmel coulait sur mes joues...
Je sortis la clé de mon sac et la fis tourner dans la serrure. A peine entrée, je courus dans la salle de bain pour me débarrasser au plus vite de mon impermébable. J'étais transie jusqu'aux os. En me regardant dans la glace je vis un clown triste. Les cernes peints en noir, les joues rougies par le froid, les yeux vides...
J'étais triste à cause du temps. J'étais triste à cause de toi. Tu m'as dit que tu me quittais sous les arcades de la Comédie Française. Pourtant on avait joué une bien belle comédie ensemble pendant trois ans. Ta phrase a eu l'effet d'une gifle. J'ai eu le souffle coupé, incapable de te répondre quoi que ce soit. Sentant les larmes me monter aux yeux je m'enfuis en courant et me jetai sous la pluie comme une folle. Je ne cherchai même pas à monter dans un bus pour rentrer chez moi.
Je traversai le jardin du Palais Royal. Les terrasses des cafés avaient été abandonnées à la pluie et au vent qui faisait virevolter les feuilles jaunissantes sur les tables et les chaises. Des chaises qui attendaient dans cet automne brumeux et glacé, quelques désespérés cherchant un endroit pour noyer leur chagrin.
J'ai rédigé ce texte pour le Jeu n°2 du Blog à mille mains.
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24/12/2009
Des jouets magnifiques...
Depuis qu'il a posté sa lettre, Paul n'a de cesse de se demander quel cadeau le Père Noël choisira parmi la liste qu'il lui a adressée. Le soir avant de s'endormir il repense à tous ces jouets magnifiques qu'il a vus dans les vitrines des belles boutiques parisiennes. Qu'est-ce que l'homme en rouge déposera sous le sapin: un camion de pompier, une panoplie de soldats de plomb, un jeu de construction?... Les pronostics vont bon train dans sa petite tête.
Paul passe le réveillon en famille, chez sa grand tante Marguerite. Il a retrouvé là-bas ses cousins Victor, Benjamin, Louise et Marthe qui eux aussi attendent de pied ferme le Père Noël.
Après le dîner, les adultes prient les enfants, baillant la bouche grande ouverte, d'aller se coucher. Contrairement aux autres soirs de l'année, les petits s'exécutent sur le champ. Ils ont hâte de découvrir leur cadeau au petit matin. Pendant son sommeil Paul rêve de presque tous les joujous qu'il avait notés sur sa liste... Que trouvera-t-il sous le sapin?
"LA PLUME ET LA PAGE" VOUS SOUHAITE DE JOYEUSES FÊTES!
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