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18/01/2016

Des ailes d'une blancheur immaculée

C'est quand le jour commença à pointer que Cécilia se risqua à soulever doucement les paupières. Elle avait peur de ce qu'elle allait découvrir. Et quand elle eut complètement ouvert les yeux elle se demanda si elle n'était pas en train de rêver. Elle se secoua pour se réveiller. Mais force était de constater qu'elle ne dormait pas. Elle eut un moment de sidération.

Dans l'angle de la fenêtre se tenait un homme nu nimbé d'une lumière à la fois vaporeuse et éclatante. Il avait le teint pâle, le regard doux, des dents d'un blanc étincelant. Puis, Cécilia remarqua qu'au dessus de ses épaules se dessinaient deux ailes d'une blancheur immaculée. Diantre, le bonhomme avait tout l'air d'un ange. Elle se cramponna au canapé en se demandant si la veille elle n'avait pas mis trop de rhum dans son grog. Avait-elle forcé sur les cachetons de morphine?

Elle voulut se lever mais une lipothymie la força à se rasseoir sur le bord du canapé. Elle ferma les yeux pour chasser ce qu'elle croyait être une hallucination. Mais quand elle les rouvrit l'ange était toujours là. Il n'avait pas bougé. Elle remarqua cette fois qu'il tenait un arc incrusté de perles dans une main et une flèche dans l'autre. Que lui voulait-il?

- "C'est pour aujourd'hui Cécilia", dit-il d'une voix posée.

Cécilia ne répondit rien mais l'interrogea du regard.

- "C'est le grand jour. Tu ne le sais pas mais il approche."

Cécilia ne comprenait toujours pas ce qu'il voulait dire. Son teint avait blanchi, son sang s'était retiré de ses veines. Elle avait le souffle court.

Ce texte a été rédigé pour le Mois Blanc chez PatchCath. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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13/01/2016

Le chant syncopé de la tempête

Tout le jour le ciel, tel une serpillière, s'était tordu en averses de neige drue. Cécilia n'avait vu personne. Pas une seule visite. Personne ne s'était risqué à sortir par ce temps. Elle-même n'avait pas osé mettre un pied dehors. Elle avait juste reçu un appel de Stanislas. Plaisir minuscule au milieu de ce brouillard aveuglant. Pour le coup les nuages ne s'étaient pas montrés dilettantes et ils n'avaient pas plaidé coupables en laissant place aux rayons du soleil quelques instants. Il n'y avait eu aucune éclaircie sur le village. C'avait été une journée blanche.  

Cécilia ressentait l'agacement de la bâtisse face aux assauts du vent. La maison craquait de partout et le chant syncopé de la tempête ne l'incitait pas à se mettre sous la couette. Elle savait qu'une nuit d'insomnie se profilait. Installée dans le canapé près de la cheminée elle contemplait l'éparpillement de livres et de vieux almanachs qui s'étendait à ses pieds.  Quelques recueils de poésie étaient également entreposés par terre. Elle avait prévu de quoi tenir jusqu'aux petites heures du matin.

L'âtre lui renvoyait une chaleur douce. De petites bûches se consumaient sur les chenets en fer hérités de ses grands-parents. Les flammes, tantôt sveltes, tantôt dodues, exécutaient une farandole mélancolique. Cécilia était comme hypnotisée et ne vit pas le sommeil pointer son nez.

Elle se réveilla vers 6 heures et entendit le vent respirer doucement. Il s'était apaisé comme un enfant qui s'endort épuisé d'avoir trop crié. Le feu était éteint mais elle n'avait pas froid. Un plaid avait été déposé sur ses épaules. Son cerveau vu rouge. Avait-elle oublié de verrouiller la porte d'entrée? Ou celle du garage? Elle bloqua sa respiration dans l'espoir de capter un bruit. Mais rien. La maison lui renvoya un grand silence. Son cœur s'affola. Quelqu'un était vraisemblablement entré chez elle avec un passe-partout. Et quelles que soient ses motivations, ce n'était certainement pas par gentillesse qu'il l'avait couverte d'un plaid. Elle n'osait pas bouger, pensant que l'intrus était peut-être tapi dans l'ombre en train de l'observer.

Ce texte a été rédigé pour les Plumes n°48 organisées par Asphodèle. Il n'est pas libre de droit, et la photo non plus.

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09/08/2015

Et l'amour, dans tout ça?

Patrizio? Trop mielleux pour être honnête. Renato? Trop macho pour accepter de sortir avec une fille qui ne ressemble pas à un top modèle. Luciano? Trop imbus de sa personne. Renzo? Trop passionné par la mécanique automobile à son goût et n'ayant aucun intérêt pour les choses de l'esprit. Aquilino... Davide... Pietro...

Eglantina pensa que décidément il n'y avait pas d'homme pour elle sur cette fichue Terre. En tout cas pas un qui lui correspondait. Un état de fait qui était difficile à supporter sans parler de la pression de la société. La trentaine passée, célibataire et sans enfant, elle avait l'impression de ne pas être normale. Parce que oui. La société sait vous faire sentir que vous n'êtes pas dans la norme. Eglantina l'avait parfaitement compris. Les messes basses et les sous-entendus de gens pas toujours bien intentionnés, elle en avait son lot quotidien. Des gens pas très francs qui racontaient n'importe quoi derrière son dos. Elle avait envie de leur coller des baffes dans la tronche et de leur dire "je t'emmerde", toi et ta petite famille parfaite.

Elle n'était pas jolie, mais elle n'était pas moche non plus. Elle était coquette. Elle avait un certain goût pour le raffinement et savait, comme sa sœur, cuisiner merveilleusement. Elle était de surcroît intelligente et cultivée. Mais trop, vraisemblablement. Ca faisait peur aux hommes. La plupart n'aiment pas que leur copine soit plus intelligente qu'eux. Sur ce coup-là, Eglantina n'était pas bien lotie. Avec son QI bien supérieure à la moyenne, elle n'en rencontrait pas des masses à la Polyclinique Gemelli qui pouvaient être intéressants. Sans compter que les hommes (la majorité) faisaient leurs petits calculs: à savoir se mettre en ménage avec une femme pas trop futée, ou juste assez pour faire à bouffer, entretenir le linge et leur donner un ou deux gamins qu'elle élèverait sans qu'ils n'aient à trop se casser la tête.

Pour ceux qu'il restait, s'ils n'étaient pas homosexuels, il n'était pas question qu'ils soient en couple avec une femme d'un autre milieu social que le leur. Par peur du regard des autres et pour plaire à la famille, aux amis, aux collègues. Puis, de préférence, une femme ayant déjà un petit pécule. Il faut assurer ses arrières. Les temps sont durs! A ceux-là aussi Eglantina avait envie de filer des baffes.

Elle avait le sentiment que la société lui criait (façon de parler): "Si t'es pas mariée et que t'as pas deux gosses à trente ans, t'as raté ta vie." Et l'amour, dans tout ça? Un mot galvaudé employé à toutes les sauces et aujourd'hui vide de sens. Aimer, c'est quand on ressent des papillons dans le ventre et que le cœur se met à battre comme un fou. Eglantina n'en avait finalement pas croisé beaucoup qui l'avait mise dans cet état. Et ils n'étaient pas disponibles à ce moment-là. Fin de l'histoire.

Ce texte n'est pas libre de droit, la photo non plus.

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14/03/2015

Une cigogne volait vers l'ubac

Marcella avait dormi d'un sommeil profond et réparateur. Et elle aurait dormi davantage si elle n'avait pas été réveillée par l'air frais et plein de senteurs de ce début de printemps. La veille au soir Tiberio n'avait pas fermé complètement la fenêtre et le tissu vaporeux des rideaux ne constituait pas une barrière suffisante pour retenir la fraîcheur du matin.

Elle s'étira avec paresse et enfila un pull par-dessus sa nuisette, puis elle alla refermer la fenêtre. Elle pouvait maintenant apprécier la chaleur du soleil qui passait à travers les carreaux. Au loin une cigogne aux plumes noires se dirigeait à tire d'ailes vers l'ubac

Marcella resta un moment à observer le paysage et pensait qu'à l'heure qu'il était elle serait peut-être en train de ramasser coques, palourdes et autres bernard-l'hermite s'ils étaient allés sur la côte. Finalement elle était heureuse d'avoir choisi la montagne. L'hôtel Stella del Nord à Courmayeur était parfait pour ces vacances de printemps.

Ils avaient déserté Rome sans prévenir leurs amis et avaient coupé leurs portables. Seuls leurs employeurs étaient au courant. Ils avaient besoin de se reposer et aussi d'un peu d'insouciance. L'univers ne s'arrêterait pas de tourner en leur absence. Ce qui leur manquait à Rome c'était la liberté de faire tout ce qui leur plaisait à l'heure qu'ils le souhaitaient. Ici il n'y avait pas d'urgences à gérer. Marcella n'en pouvait plus de courir partout et de devoir faire attention de ne pas être suivie lorsqu'elle sortait de chez elle. Ses affinités avec le professeur Berghetti la rendait vulnérable. Elle savait qu'elle était une cible pour ceux qui en voulaient à Francesco.

Tiberio était réveillé mais il n'arrivait pas à s'extirper du lit. Il aimait la douceur de l'édredon qui glissait sur sa peau. Quand enfin il réussit à se lever, il eut une vision étrange. Marcella, toujours postée à la fenêtre, semblait nimbée de lumière. Un rayon de soleil, comme le prolongement d'un doigt de Dieu, descendait sur elle. Tiberio pouvait y voir virevolter des milliers de grains de poussières. On aurait dit une madone descendue des Cieux. Puis, il alla l'enlacer avec volupté et la serra tout contre lui.

Ce texte a été rédigé pour les Plumes d'Asphodèle de mars. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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27/02/2015

Laisser tourbillonner son esprit

"Merci", avait dit Marcella  à la serveuse qui lui tendait une assiette parée d'une grosse part de gâteau au chocolat qu'elle venait de choisir. Puis, elle avait pris le café latte posé sur le comptoir pour aller s'installer sur une banquette située dans le fond du salon de thé. Marcella aimait les banquettes tendues de velours, moelleuses, dans lesquelles on pouvait s'enfoncer pour oublier le monde autour et laisser tourbillonner son esprit. D'ailleurs elle aimait laisser vagabonder son esprit, tel un goéland qui sillonne le ciel sans but précis. Et cela très précisément quand elle avait des décisions à prendre.

Quand elle se posait beaucoup de questions sur un sujet, elle n'était pas du genre à méditer dessus. Elle n'essayait même pas de trouver une piste de réflexion. Les idées se présentaient à elle par surprise, parfois par hasard, toujours de façon inattendue. Il lui suffisait simplement d'accumuler assez d'infos sur le sujet et de laisser fonctionner son cerveau tout seul. Sans qu'elle s'en rende compte, ses méninges faisaient des connections et reliaient les différents éléments entre eux. Marcella faisait partie de ces personnes (peu nombreuses) qui avaient un raisonnement global. On ne pouvait même pas dire que c'était de l'inspiration. C'était plutôt comme des tisons qui attendaient qu'on souffle dessus pour que le feu reprenne.

Il n'était pas nécessaire qu'elle se fixe des objectifs.  Pas de bataille à mener pour trouver des solutions. Son cerveau établissait lui-même, avec souplesse, la meilleure stratégie pour résoudre les problèmes. 

Son mode de raisonnement n'était pas toujours compris et il était parfois assimilé à une forme de culot car bien souvent Marcella n'avait pas d'explication à donner quand on lui demandait de justifier ses conclusions. Des conclusions qui s'avéraient être les bonnes, ce qui ne manquait pas d'agacer ses collègues et ses amis. Quelques supérieurs hiérarchiques, qu'elle ne voyait pour ainsi dire jamais - des hypocrites - avaient essayé de comprendre comment elle arrivait aux bonnes conclusions mais elle était incapable de donner la moindre explication.

Ce texte a été rédigé pour les Plumes d'Asphodèle. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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15/02/2015

Elle ne l'avait pas entendu approcher

Le professeur Berghetti était arrivé derrière Marcella sans qu'elle ne l'entende approcher. Habituellement elle reconnaissait son pas rapide et sa façon de faire claquer ses talons quand il s'immobilisait. Occupée à photocopier des documents sur la machine installée dans le couloir, elle n'avait pas remarqué sa présence et s'était retrouvée tout contre lui en ouvrant un tiroir qu'elle voulait recharger en feuilles blanches. Elle avait senti un tissu plier sous son dos, juste entre l'angle inférieur de la scapula et le processus transverse de la huitième vertèbre dorsale. Elle avait également senti comme un bouton mais ne pouvait affirmer que c'en était un. Il n'avait pas bougé. C'est elle qui s'était avancée pour le laisser passer, rentrant son ventre et ses fesses et se collant à la photocopieuse.

Repensant à la scène un peu plus tard Marcella se rappelait qu'il n'y avait personne dans le couloir et qu'il avait largement la place de passer sans entrer dans son espace intime. Sa tasse à café à la main il s'en allait jusqu'à la salle de pause où se trouvait la cafetière. Comme un félin il s'était approché à pas feutrés. Cependant Marcella aurait dû sentir sa présence. Hypersensible aux sons, aux odeurs et aux mouvements, elle aurait dû remarquer qu'il était près d'elle et s'était étonnée de cette situation étrange. Comment réussissait-il (car ce n'était pas la première fois qu'il lui faisait le coup) à se faire oublier de la sorte? Il était certes un petit peu plus petit qu'elle mais il n'était pas du genre à passer inaperçu. Il avait une façon unique de déplacer l'air en marchant.

Habituellement Marcella évitait de se trouver trop près de lui. Elle évitait comme elle pouvait les contacts corporels car elle craignait de s'embraser. Francesco Berghetti était incandescent. Quand il s'approchait trop elle ne pouvait plus bouger, sentant son corps défaillir. Elle n'osait pas imaginer ce qu'il se passerait s'ils se retrouvaient face à face, à quelques centimètres l'un de l'autre...

Ce texte n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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17/11/2014

Regard complice

La neige commençait à nacrer les rues de Rome et la matinée s'annonçait glissante. Marcella décida donc de prendre le bus pour se rendre au travail. Bonnet bien enfoncé sur la tête et emmitouflée dans un long manteau noir elle marcha d'un pas rapide pour rejoindre l'arrêt. Le vent, ce grand nomade, traversait la ville à une allure effrayante et fouettait sans ménagement le visage des passants. Marcella avait les joues rougies et avait hâte de monter dans le bus qui l'emmènerait jusqu'au consulat. Ce temps était inhabituel à Rome pour un mois de novembre. 

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Marcella avait eu du mal à quitter son lit, drap et couverture remontés jusqu'aux yeux. Tiberio, levé avant elle, avait essayé de la découvrir doucement mais elle avait froid et s'était dépêchée de remonter le tout sur ses épaules. Son regard, plein des secrets de la nuit et de connivence, avait incité Tiberio à se recoucher. Ils étaient toujours prêts pour quelques folies, quelques bêtises d'amoureux. Deux vrais larrons, prêts pour le meilleur et le pire. Et au lit ils ne s'ennuyaient pas. Ils s'étaient levés avec des yeux brillants d'amants, un peu en retard mais ravis d'être restés plus longtemps que d'habitude ensemble avant d'aller travailler.

Ce soir Marcellla en aurait des choses à relater à son confident qu'elle rangeait dans le tiroir de sa table de nuit. Des choses qu'elle ne pouvait ni ne voulait partager avec personne si ce n'est son carnet. Elle avait quelques amis proches dont faisait désormais partie le professeur Berghetti mais elle ne leur parlait jamais de ses affaires intimes. Elle aurait préféré se laisser couper la main plutôt que de leur révéler ce qui se tramait dans son cœur.

Tiberio en savait bien sûr plus que les autres mais ne savait pourtant pas tout. Pendant un temps il avait considéré Berghetti comme un rival mais il avait appris à le connaître et ils étaient maintenant amis. Il avait même de l'empathie pour le professeur qui faisait toujours l'objet d'attaques.

Texte original rédigé pour l'édition n°35 des Plumes d'Asphodèle dont le thème était la complicité. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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