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18/01/2016

Des ailes d'une blancheur immaculée

C'est quand le jour commença à pointer que Cécilia se risqua à soulever doucement les paupières. Elle avait peur de ce qu'elle allait découvrir. Et quand elle eut complètement ouvert les yeux elle se demanda si elle n'était pas en train de rêver. Elle se secoua pour se réveiller. Mais force était de constater qu'elle ne dormait pas. Elle eut un moment de sidération.

Dans l'angle de la fenêtre se tenait un homme nu nimbé d'une lumière à la fois vaporeuse et éclatante. Il avait le teint pâle, le regard doux, des dents d'un blanc étincelant. Puis, Cécilia remarqua qu'au dessus de ses épaules se dessinaient deux ailes d'une blancheur immaculée. Diantre, le bonhomme avait tout l'air d'un ange. Elle se cramponna au canapé en se demandant si la veille elle n'avait pas mis trop de rhum dans son grog. Avait-elle forcé sur les cachetons de morphine?

Elle voulut se lever mais une lipothymie la força à se rasseoir sur le bord du canapé. Elle ferma les yeux pour chasser ce qu'elle croyait être une hallucination. Mais quand elle les rouvrit l'ange était toujours là. Il n'avait pas bougé. Elle remarqua cette fois qu'il tenait un arc incrusté de perles dans une main et une flèche dans l'autre. Que lui voulait-il?

- "C'est pour aujourd'hui Cécilia", dit-il d'une voix posée.

Cécilia ne répondit rien mais l'interrogea du regard.

- "C'est le grand jour. Tu ne le sais pas mais il approche."

Cécilia ne comprenait toujours pas ce qu'il voulait dire. Son teint avait blanchi, son sang s'était retiré de ses veines. Elle avait le souffle court.

Ce texte a été rédigé pour le Mois Blanc chez PatchCath. Il n'est pas libre de droits, la photo non plus.

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17/01/2016

Les dimanches poétiques (174)

"Or, dans un an ou deux, cette odeur aurait mûri et pris une vigueur telle que nul être humain, homme ou femme, ne pourrait s'y soustraire. Et les gens seraient réduits à merci, désarmés, sans défense, devant le charme de cette jeune fille, et ils ne sauraient pas pourquoi. Et comme ils sont stupides et ne savent se servir de leur nez que pour souffler dedans, mais qu'ils croient pouvoir tout connaître par leurs yeux, ils diraient que c'est parce que cette jeune fille possède la beauté, l'élégance et la grâce. Bornés comme ils sont, ils loueraient ses traits réguliers, sa silhouette svelte et sa poitrine parfaite. Et ils diraient que ses yeux sont comme des émeraudes, et ses dents comme des perles, et ses membres comme de l'ivoire, et Dieu sait encore quelles comparaisons idiotes."

Patrick SÜSKIND Le parfum

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13/01/2016

Le chant syncopé de la tempête

Tout le jour le ciel, tel une serpillière, s'était tordu en averses de neige drue. Cécilia n'avait vu personne. Pas une seule visite. Personne ne s'était risqué à sortir par ce temps. Elle-même n'avait pas osé mettre un pied dehors. Elle avait juste reçu un appel de Stanislas. Plaisir minuscule au milieu de ce brouillard aveuglant. Pour le coup les nuages ne s'étaient pas montrés dilettantes et ils n'avaient pas plaidé coupables en laissant place aux rayons du soleil quelques instants. Il n'y avait eu aucune éclaircie sur le village. C'avait été une journée blanche.  

Cécilia ressentait l'agacement de la bâtisse face aux assauts du vent. La maison craquait de partout et le chant syncopé de la tempête ne l'incitait pas à se mettre sous la couette. Elle savait qu'une nuit d'insomnie se profilait. Installée dans le canapé près de la cheminée elle contemplait l'éparpillement de livres et de vieux almanachs qui s'étendait à ses pieds.  Quelques recueils de poésie étaient également entreposés par terre. Elle avait prévu de quoi tenir jusqu'aux petites heures du matin.

L'âtre lui renvoyait une chaleur douce. De petites bûches se consumaient sur les chenets en fer hérités de ses grands-parents. Les flammes, tantôt sveltes, tantôt dodues, exécutaient une farandole mélancolique. Cécilia était comme hypnotisée et ne vit pas le sommeil pointer son nez.

Elle se réveilla vers 6 heures et entendit le vent respirer doucement. Il s'était apaisé comme un enfant qui s'endort épuisé d'avoir trop crié. Le feu était éteint mais elle n'avait pas froid. Un plaid avait été déposé sur ses épaules. Son cerveau vu rouge. Avait-elle oublié de verrouiller la porte d'entrée? Ou celle du garage? Elle bloqua sa respiration dans l'espoir de capter un bruit. Mais rien. La maison lui renvoya un grand silence. Son cœur s'affola. Quelqu'un était vraisemblablement entré chez elle avec un passe-partout. Et quelles que soient ses motivations, ce n'était certainement pas par gentillesse qu'il l'avait couverte d'un plaid. Elle n'osait pas bouger, pensant que l'intrus était peut-être tapi dans l'ombre en train de l'observer.

Ce texte a été rédigé pour les Plumes n°48 organisées par Asphodèle. Il n'est pas libre de droit, et la photo non plus.

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20/12/2015

Les dimanches poétiques (172)

"Les gens veulent être heureux. C'est souvent pour cela qu'ils sont malheureux. Le bonheur est un état qui s'enfuit dès qu'on cherche à le définir. Intoxiqués par les livres, les films et les chansons, on rêve à un idéal trompeur. Les hommes sont bien irréfléchis de partir à sa recherche. Il ne s'en attrape que le courant d'air, par hasard, quand on a éliminé des parasites qui semblaient n'avoir rien à voir avec lui. Le courant d'air s'échappe. C'est bien plus tard, ayant pris conscience que le climat a changé, qu'on se rappelle sa fraîcheur. C'était donc ça, le bonheur? se demande-t-on."

Charles DANTZIG Encyclopédie capricieuse du tout et du rien

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13/12/2015

Les dimanches poétiques (171)

"Tout en formulant ses pensées, Mila vit apparaître le visage de Goran dans le miroir. Il était derrière elle. Mais il ne regardait pas la salle d'interrogatoire. Dans le reflet, il cherchait ses yeux.

Mila se tourna. Ils se regardèrent longuement, en silence. Ils étaient unis par le même abattement, la même affliction. Il fut naturel de se pencher vers lui, fermer les yeux et chercher ses lèvres. Enfoncer les siennes dans sa bouche, et sentir qu'il lui répondait."

Donato CARRISI Le chuchoteur 

29/11/2015

Les dimanches poétiques (170)

"L'amour, c'est  d'abord aimer follement l'odeur de l'autre."

Pascal QUIGNARD Vie secrète

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08/11/2015

Les dimanches poétiques (169)

"L'agent spécial Stern portait toujours un costume cravate. De préférence marron, beige, ou bleu foncé, avec des chemises à fines rayures. Mila déduisit que sa femme devait tenir au fait qu'il sorte avec des vêtements bien repassés. Son apparence était soignée. Les cheveux coiffés en arrière avec un peu de brillantine. Il se rasait tous les matins, et en plus d'être lisse la peau de son visage avait l'air douce, elle sentait bon. C'était un type précis, Stern. De ceux qui ne changent jamais leurs habitudes, et pour qui il est bien plus important d'avoir l'air en ordre que d'être à la mode."

Donato CARRISI Le chuchoteur

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